Le sort d’une ainée décidé trop vite à Rivière-du-Loup
Une personne âgée de 99 ans résidant au Pavillon des Cèdres à Rivière-du-Loup a perdu la vie trop tôt le 19 juillet 2023 après avoir été envoyée inutilement aux soins palliatifs, rapporte la coroner Dre Renée Roussel.
La nonagénaire a été envoyée à l’urgence du Centre hospitalier du Grand-Portage (CHRGP) le 9 juillet 2023 à la suite d’une chute survenue à la résidence pour ainés où elle vivait. En revenant d’une balançoire, elle a trébuché sur un boyau d’arrosage qu’un bénévole utilisait pour entretenir les fleurs. «Il y a eu impact crânien, mais sans perte de conscience», peut-on lire dans le rapport de la coroner.
Un hématome était visible du côté droit de son front ainsi qu’autour de son œil. L’aînée était toujours alerte. Toutefois, «en raison d’une certaine diminution de l’état général depuis quelques mois, il a été convenu rapidement entre les soignants et la famille, de ne pas procéder à l’évaluation plus complète de son traumatisme. Ainsi aucune imagerie craniocérébrale ni du rachis cervical n’a été prescrite», relate Dre Roussel.
La journée même de son admission au CHRGP, la patiente a été hospitalisée et l’objectif des soins est passé à D, soit les soins palliatifs, «tout le monde étant convaincu qu’il y avait eu un traumatisme craniocérébral important».
D’après le rapport de Dre Renée Roussel, dans les heures qui ont suivi, l’ainée est devenue souffrante et un délirium s’est installé. «Progressivement, les soins usuels ont été cessés […] [Elle] a cessé de s’alimenter et de s’hydrater. Elle a développé des symptômes respiratoires puis elle s’est éteinte», 10 jours plus tard.
LÉSIONS PEU DOCUMENTÉES
Selon le rapport, une expertise radiologique additionnelle a été ordonnée le lendemain du décès puisque les blessures qui ont mené au décès de la dame n’étaient pas assez documentées. La radiologue a constaté l’absence de toute lésion traumatique au cerveau, au crâne ainsi qu’au rachis cervical. «Le saignement ne s’était produit que dans les tissus mous sous-cutanés du front», indique la coroner.
«Je comprends mal qu’aucune imagerie cérébrale ni cervicale n’ait été réalisée alors même qu’on se trouvait à l’hôpital ayant un gros département de radiologie et qu’en revanche il a été permis de faire des radiographies d’une épaule et d’un genou [durant l’hospitalisation]. Il y a probablement de bonnes justifications, mais ceci, vu de l’extérieur, paraît plutôt étrange», évoque Dre Renée Roussel.
Lors de l’annonce de la mort de l’aînée, la cause de son décès était inconnue, mais la présence d’une hémorragie cérébrale à la suite de son traumatisme était soupçonnée. «C’est ce diagnostic présumé qui a grandement influencé la décision de la famille d’accepter des soignants de passer aux soins palliatifs si vite», soutient-elle.
Peu importe le résultat, de l’imagerie cérébrale aurait grandement influencé les soins prodigués à l’ainée, croit la coroner. «L’absence de lésions graves aurait retardé fort probablement le passage aux soins palliatifs voire la non-nécessité d’y recourir.»
MÊME FIN
L’experte croit malgré tout que la fin aurait été la même «car les réserves physiologiques à cet âge sont très minces».
Toutefois, elle aimerait que les soignants réfléchissent à l’impact pour une famille d’envoyer aussi rapidement vers la mort un proche qui menait une belle vie avant son accident, apprenant après coup qu’aucune blessure grave ne justifiait la décision. «La famille a été peinée et […] et se sent coupable d’avoir pris si tôt, si vite une telle décision qui finalement ne l’a pas été en toute connaissance de cause», a écrit Dre Roussel.
Aucune recommandation n’a été formulée concernant cet aspect puisque «chaque cas est différent et il n’est pas possible d’établir de règles fixes dans de telles situations. Le jugement clinique demeure toujours nécessaire».
Cependant, Dre Roussel conseille au groupe propriétaire du Pavillon des Cèdres de Rivière-du-Loup d’encadrer plus sécuritairement les travaux sur leurs terrains pour éviter un nouvel accident. Une représentante lui a mentionné que l’entretien ne serait plus confié à des bénévoles, mais bien une entreprise privée.
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