Interdiction de dégriffer les chats au Québec : «C’est une bonne nouvelle que tout le monde partage» -Heidi Pomerleau
Après des années à demander des changements quant aux chirurgies mineures chez les animaux, les professionnels du monde animal ont obtenu gain de cause. La Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal, entrée en vigueur le 10 février, interdit notamment le dégriffage chez les chats. Une nouvelle qui réjouit les vétérinaires dont Heidie Pomerleau, propriétaire de l’Hôpital vétérinaire de Rivière-du-Loup.
«De toute évidence, comme la très grande majorité, si ce n’est pas la totalité de la communauté des médecins vétérinaires et des techniciens en soins animaux, c’est définitif que c’est une excellente nouvelle», partage la vétérinaire.
Les propriétaires de félins avaient déjà beaucoup de difficulté à trouver un professionnel prêt à enlever les griffes de leurs animaux dans les dernières années. La clinique de Mme Pomerleau n’offrait plus le service d’onyxectomie depuis déjà quatre ans. «On a toujours éprouvé un certain malaise avec ce genre de chirurgie-là», confie-t-elle.
Et même avant l’arrêt complet de cette procédure, l’hôpital avait déjà réduit son nombre de dégriffage de manière drastique. Elle avait des conditions particulières en matière de la gestion de la douleur et sélectionnait les individus puisque les conséquences de l’amputation des griffes sur les animaux sont nombreuses et néfastes.
L’IMPORTANCE DE LA SENSIBILISATION
Selon la vétérinaire propriétaire, encore trop peu de personnes ignorent ce que représente le dégriffage et les répercussions que cette chirurgie a sur les chats. «La griffe fait partie de la phalange de l’animal. C’est comme si la griffe faisait partie du dernier os de notre bout de doigt à nous, les humains. Donc c’est carrément l’amputation de la dernière phalange de chaque doigt», explique-t-elle. Une telle procédure cause énormément de douleurs qui peuvent être chroniques, et opérer un changement dans la mobilité, la manière de marcher et l’utilisation des pattes de l’animal.
Des problèmes de comportement peuvent aussi se développer chez les chats après une onyxectomie, comme les morsures (puisqu’il ont perdu un moyen de défense) et uriner à l’extérieur de la litière.
«Faire ses griffes, c’est un besoin psychologique de l’animal, ça fait partie de ses besoins de marquage, de territoire, de gestion de son environnement, informe Heidie Pomerleau. La Loi sur le bien-être animal, justement, ce qu’elle vient dire c’est que non seulement on doit respecter les besoins physiologiques de l’animal […], mais on veut aussi que les besoins psychologiques qui sont propres à l’espèce soient respectés [afin de lui éviter] une certaine forme de souffrance».
Plusieurs alternatives existe afin d’éviter des bris de marquage sur les meubles tels que les protèges-griffes, la coupe des griffes et les griffoirs.
Mme Pomerleau ne croit pas que cette nouvelle loi entrainera davantage d’abandons ou d’euthanasies :«Je pense que dans le futur, les gens vont adopter […] en connaissance de cause».
La nouvelle loi couvre aussi d’autres types de chirurgie telles que la caudectomie (coupe de la queue), l’essorillement (le taillage des oreilles) ainsi que la dévocalisation (pour réduire le jappement ou le miaulement). D’après la vétérinaire-propriétaire, ces procédures étaient réalisées pour des raisons purement esthétiques quoiqu’en dise certains éleveurs. «Il n’y avait pas de raisons médicales que ce soit humaine ou animale d’aller vers ce genre de chirurgies-là», soutient la professionnelle. Sa clinique ne fait plus ces procédures depuis près de 10 ans.
Le nouveau règlement resserre aussi le contrôle des conditions de vie des animaux autant, à la maison que dans des refuges, des SPA, des fourrières municipales. Les endroits qui ne sont pas en adéquation avec les besoins physiologiques et psychologiques des animaux seront davantage scrutés afin d’éviter les abus, voire la négligence.
L’arrivée de ces nouvelles règles soulève une belle réflexion sociétale, selon la professionnelle, quant à la place de l’animal dans nos vies, ainsi que le respect de ses besoins et de sa vie comme être vivant et non comme un bien dont on peut se servir tel que l’on souhaite. Elle croit que la sensibilisation reste la clé pour informer les propriétaires, au fil de l’évolution de la médecine vétérinaire.
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