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La sœur qu’elle n’attendait plus

durée 13 août 2023 | 06h54
  • Marc-Antoine Paquin
    Par Marc-Antoine Paquin

    Journaliste

    Éliane Duval se souvient encore parfaitement de la scène. Enfant, devant les retrouvailles de Claire Lamarche à la télévision, elle souhaitait très fort, avec une pointe de jalousie même, avoir un jour la chance de retrouver elle aussi un proche et de vivre un moment des plus heureux. Près de 20 ans plus tard, à l’ère des nouvelles technologies et du numérique, la vie lui a donné cette opportunité toute spéciale. Et elle a parfois encore de la difficulté à y croire.

    Éliane Duval n’avait que quelques mois lorsqu’elle a été adoptée par un couple de Rivière-du-Loup. Une famille douce, aimante et bienveillante qui lui a offert tout l’amour du monde. Elle ne pouvait pas être mieux tombée. 

    Malgré tout, Éliane a exprimé très jeune le souhait d’en apprendre plus sur son passé et sa famille biologique. Une quête d’identité difficile, longue et parsemée de hauts et de bas, qui a pris une tournure inespérée dans les derniers mois.

    Éliane a une petite sœur biologique, Molly. Une citoyenne américaine de la côte Est, de deux ans sa cadette, qu’elle a retrouvée grâce aux avancées de la généalogie génétique. 
    Des retrouvailles qu’elle n’attendait plus et qu’elle a souvent cru impossibles. Une histoire dans laquelle toutes les étoiles se sont alignées comme une belle et grande constellation.

    «C’est surréel, comme un conte de fées», a imagé Éliane, toujours un brin incrédule, il y a quelques semaines. «Mais cette fois, ce n’est pas un film, ce n’est pas l’histoire de quelqu’un d’autre. C’est la mienne.»

    QUÊTE D’IDENTITÉ 

    Du plus loin qu’elle se souvienne, Éliane Duval a toujours eu de l’intérêt et une curiosité pour son histoire. «J’ai commencé très tôt à me poser des questions. En étant élevée à Rivière-du-Loup, j’ai vite réalisé que j’étais différente de la majorité des autres enfants. Mes parents ont toujours été ouverts à m’expliquer le processus d’adoption et à me dire ce qu’ils savaient», a expliqué la femme qui a aujourd’hui 27 ans.

    Ayant été adoptée en Chine dans les années 90, les informations n’ont cependant jamais été nombreuses et faciles d’accès. Même ses parents n’avaient que très peu à lui partager. «Ils m’ont raconté que j’étais passée par une famille d’accueil, puis un orphelinat dans mes huit premiers mois de vie, mais c’était à peu près ça», a-t-elle décrit.   

    Il faut savoir que c’était l’époque de la politique de l’enfant unique, en Chine. Les couples souhaitaient que leur seul enfant soit un garçon, alors des milliers de jeunes filles ont été données en adoption, souvent même en cachette. Ce faisant, les archives sont aujourd’hui inexistantes ou très peu étoffées. Bref, «c’est le néant».

    En vieillissant, Éliane a d’ailleurs vite réalisé l’ampleur de la tâche. Durant plusieurs années, elle a jonglé entre sa volonté d’en savoir plus et un désir parfois tout aussi fort de tout laisser 
derrière elle, le défi étant gigantesque, le rêve utopique. 

    «J’ai eu plusieurs épisodes durant ma jeunesse et l’adolescence», a-t-elle confié. «Au secondaire, j’ai par exemple fait des demandes auprès des gouvernements, mais ils n’avaient rien à me dire que je ne connaissais pas déjà.»

    C’était à la suite d’un cours de biologie sur les gènes dominants et récessifs, elle s’en souvient encore très bien. «Je frappais des murs et je me décourageais […] Tu essaies d’être optimiste, mais tu veux aussi rester réaliste et tu ne veux surtout pas te faire trop de faux espoirs. C’est difficile.»

    TEST D’ADN

    En 2014, elle a fait faire une première analyse de son code génétique, un service offert par l’entreprise américaine AncestryDNA, mais plusieurs autres aussi. Pour une centaine de dollars et le prélèvement de quelques gouttes de salive, il est possible d’en connaitre davantage sur son ADN et celui de ses aïeux. Les profils peuvent aussi être sauvegardés dans d’immenses bases de données permettant de retrouver des similarités entre les utilisateurs. Éliane y avait vu une 
nouvelle opportunité, une source d’espoir 
renouvelée.

    «Malheureusement, je n’en ai pas retiré grand-chose, outre le fait de savoir que j’étais 100 % Chinoise. C’était déjà bien, puisque je me suis souvent fait des histoires sur mes parents biologiques», s’est-elle souvenu. «Sinon, j’ai 
eu quelques connections, très minces, avec 
des cousins très éloignés, mais rien de grand intérêt.»

    Éliane a alors mis la recherche de côté une fois de plus, acceptant qu’il était pratiquement impossible qu’elle retrouve qui que ce soit. C’est resté ainsi jusqu’au début 2022. Le visionnement du documentaire Netflix «On se (re)trouvera», lequel raconte l’épopée de trois jeunes femmes chinoises qui découvrent qu’elles sont cousines, est alors venu raviver son désir d’en savoir plus. Bouleversée par leur histoire, et la sienne, elle a décidé d’essayer «une dernière fois» avec le test d’ADN de l’entreprise 23AndMe. Comme une bouteille à la mer, une ultime tentative. 

    Les chances restaient tout de même très minces, elle le savait que trop bien. Et en ce sens, elle a déjoué toutes les probabilités. Quand les résultats sont entrés plusieurs mois plus tard, Éliane a appris qu’elle avait une connexion avec une autre utilisatrice déjà inscrite, Molly M., des États-Unis. Cette dernière partageait 54 % de son ADN, un chiffre très élevé. Aucun doute, elles étaient sœurs. 

    «C’était beaucoup d’émotions. Le sentiment était indescriptible», s’est-elle remémoré.

    «J’étais un peu incrédule aussi. J’ai même cherché sur Google pour m’assurer que c’était possible, que 50 % était suffisant. Finalement, ça voulait même dire que nous avions les mêmes parents biologiques.»

    RATTRAPER LE TEMPS PERDU

    Éliane n’a pas perdu de temps et a décidé de lui écrire, grâce à la plateforme offerte par 23AndMe. Sa patience a été mise à rude épreuve une nouvelle fois puisqu’elle a attendu pas moins d’un an avant de recevoir un retour. Molly n’avait alors pas consulté le site depuis plusieurs années, l’ayant surtout utilisé pour connaitre certains antécédents médicaux. La réponse est finalement arrivée le 28 mars 2023, alors qu’Éliane ne l’attendait plus. Une notification l’informait que Molly lui avait enfin écrit. «Il était tard, j’étais dans mon lit et je me suis mise à pleurer. Ç’a été un choc, mais aussi une très belle surprise», a-t-elle dit. 

    Depuis, Éliane Duval et Molly McQuillan, de son vrai nom, tentent de reprendre peu à peu le temps perdu par messages et appels vidéo. Elles se sont même donné rendez-vous une première fois au Vermont cet été. La rencontre, un peu surréelle il faut l’avouer, a rendu leurs retrouvailles encore plus concrètes, même pour les parents adoptifs qui ont aussi eu la chance d’être présents et de discuter.

    Elles ont également eu l’occasion d’échanger des photos. «Pour vrai, en les regardant, on ne peut pas nier que nous sommes sœurs. Actuellement, Molly me ressemble beaucoup à l’adolescence. Bébé, c’est aussi la copie conforme de ma fille. C’est vraiment spécial.»
    Éliane parle de tout cela avec enthousiasme, mais aussi avec beaucoup de reconnaissance. «Honnêtement, je ne sais pas combien de petites filles chinoises ont été adoptées toutes ces années […] Le fait de s’être trouvées comme ça, qu’elle soit aussi proche, c’est juste incroyable.»

    En aout 2022, Éliane Duval est devenue maman une première fois. Une étape importante qui est venue combler un vide. Enfin, elle connaissait au moins une autre personne qui partageait son sang. Depuis, les choses ont pour le moins évolué et elles ne sont plus seules. Éliane a une sœur biologique, et sa fille, une tante qui la verra grandir et s’épanouir. 

    Une histoire aussi surprenante qu’inspirante qui va continuer de s’écrire et de se développer. Et elles sont simplement heureuses de pouvoir vivre les prochains chapitres ensemble. 

    >> SE DONNER UNE CHANCE 

    La vie a fait en sorte qu’Éliane Duval ait droit à une histoire aussi heureuse qu’invraisemblable, à un dénouement rare, mais pas impossible. C’est aussi pourquoi elle a accepté de témoigner et de la partager. Elle encourage les enfants adoptés, en particulier ceux et celles originaires de Chine, à faire des démarches, s’ils souhaitent en savoir plus sur leurs origines. 

    «C’est un processus individuel et très personnel. Il faut aussi entreprendre cette aventure-là sans être trop optimiste, en se protégeant, mais je le recommande à 100 %», a confirmé Éliane.  

    Selon elle, un test d’ADN est un bon point de départ. «Peut-être que la personne n’aura pas de retours positifs toute de suite, peut-être que ça prendra 5 ans, 10 ans ou même plus, mais rien n’est impossible. Peut-être qu’un proche va se décider beaucoup plus tard à chercher des réponses», a-t-elle expliqué. 

    «Mais plus il y a de personnes qui en font, plus la base de données est importante. Si personne ne bouge, c’est certain que rien ne va arriver.»

    Essayer, c’est s’offrir une chance de réussite. Parfois, c’est tout ce dont on a besoin.

     

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