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Le rein de mon frère

durée 16 juillet 2023 | 06h49
  • François Drouin
    Par François Drouin

    Directeur de l'information, journaliste

    Tout dans la vie unit Gaston et Daniel Francoeur. Le rang 2 à Saint-Louis-du-Ha! Ha!, où ils habitent, illustre parfaitement l'univers de proximité de ces deux frères. Leurs maisons voisines, la ferme qu’ils ont partagée, l’érablière et leurs terres, tout les rapproche. Leur complicité est évidente. Et maintenant, Daniel peut pleinement profiter de l’été grâce au rein de son frère, un cadeau de vie inestimable, reçu le 15 mars dernier.

    C'est l'ainé, Gaston, qui, à 66 ans, a donné un rein à son frère Daniel, d’un an son cadet, aux prises avec une grave problématique d'insuffisance rénale. Un diagnostic qui remonte à 1994, mais qui s'est aggravé dans les dernières années, particulièrement dans les derniers mois. 

    Pour l’homme actif, fermier de métier, s’imaginer assis des heures en attendant qu’un appareil nettoie son sang est un véritable supplice. Daniel Francoeur tient bon et travaille jusqu’en février 2023, mais l’énergie diminue. Il «manque de gaz» comme il le dit, la fatigue s’installe.

    «Mon taux de créatinine n'était pas bon. Il ne m'en restait pas beaucoup avant la dialyse et ça, c'est une importante perte de qualité de vie. J'étais rendu à 8 % de capacité rénale», confirme Daniel. Ses reins ne parviennent plus à filtrer son sang.

    Il faut savoir que la créatinine est un déchet métabolique qui provient de la dégradation de la créatine utilisée par les muscles. Normalement, elle est transportée par le sang vers les reins afin d’être excrétée dans les urines. Son accumulation dans le sang révèle une problématique au niveau du système rénal. Le taux de créatinine de Daniel est stratosphérique.

    FRATRIE

    Les frères Francoeur sont issus d’une grande famille, la fratrie compte neuf autres enfants et les liens qui les unissent sont solides. Mais il y a deux ans, la perte de trois sœurs en un an et une semaine les a profondément marqués. Leur disparition a resserré les liens aussi.

    Gaston, qui n’a pas hésité à lever la main quand une transplantation rénale est devenue la meilleure option pour son frère, s’en est trouvé conforté. Si rien n’a pu être fait pour ses sœurs, il ne laisse pas filer l’occasion de sauver son frère. Et il n’a plus jamais regardé en arrière.

    «Au départ, je ne savais même pas si j’avais le même groupe sanguin que lui», avoue 
    M. Francoeur. Il s’est ensuite soumis à une batterie de tests afin de valider sa bonne santé et finalement sa compatibilité avec son frère.

    «Selon nos prises de sang, nous sommes pratiquement jumeaux. La néphrologue n’en revenait pas», lance fièrement Daniel. La décision de Gaston est prise, il donne un rein à son frère. 

    Une démarche qu’il garde d’abord pour lui. «Je n’en ai pas trop parlé avant [d’être confirmé comme donneur], mais ensuite tout le monde était d’accord. Ma femme était plus nerveuse, mais ils comprenaient. Si tu peux le faire et que tu as la santé pour le faire, en plus, c’est mon frère!»

    Leurs retrouvailles dans la chambre de Daniel quelques jours après l’opération sera aussi pour les deux un moment fort. «Et tu sais quoi, même si nous n’étions pas sur le même étage, nous avions le même numéro de chambre, c’est spécial», souligne Daniel. Cette proximité, encore et toujours.

    REIN

    Attablés dans la cuisine de Daniel Francoeur et de sa conjointe Guylaine Lévesque, les deux frères remontent ensemble le fil du temps. «Tu ne pourras pas dire que je ne t’ai pas donné un bon rein», lance Gaston. «Il fonctionnait déjà sur la table d’opération», relance Daniel, encore amusé de l’anecdote.

    Malgré les rires, on comprend que les derniers mois ont été éprouvants pour Daniel. L’été 
    dernier, ses jambes étaient tellement enflées qu’il devait retirer les feutres de ses bottes 
    de travail d’hiver pour réussir à se chausser. Les départs à l’aurore pour être à temps 
    aux nombreux rendez-vous médicaux à Québec ont aussi pesé lourd. Et il y a ces longues 
    nuits d’hospitalisation où le sommeil s’est fait rare.

    La solidarité qui caractérise la famille se manifeste jusqu’au matin de l’opération, le 
    15 mars dernier, où Nancy et Sylvie, les deux filles de Daniel, attendent à proximité de 
    l’entrée de l’Hôtel-Dieu leur oncle avec une pancarte sur laquelle il est écrit «merci» avec un cœur. «Ça donne du “guts” comme on dit», admet Gaston.

    Deux poiriers ont aussi été plantés dans leur cour arrière du rang 2, un symbole pour les deux hommes. Une plaque illustrant deux arbres a aussi été confectionnée. «Les racines, c’est la base, c’est la famille, les arbres les représentent, et les feuilles qui se rejoignent, c’est leur lien», explique Mme Lévesque.

    Et après les problèmes de santé, l’opération, les privations, c’était enfin le retour à la maison. La première chose qu’il souhaite manger ? «Une banane, répond en riant Daniel Francoeur. C’est plein de potassium, alors avec mes reins, c’est la première chose qu’ils m’ont enlevée. Ça faisait longtemps. Alors quand je suis sorti de l’hôpital, une banane c’est ça que je voulais!»

    Et c’est entouré de leur famille, la grande famille des Francoeur, qu’ils ont célébré leur retour à Saint-Louis-du-Ha! Ha!, il y a quelques semaines. Deux frères entourés de la fratrie, mais aussi et surtout de leurs conjointes respectives, Guylaine Lévesque et Solange Plourde ainsi que de leurs enfants, Nancy, Sylvie et Steve pour Daniel, sans oublier les petits-enfants, et Anne-Marie, Patrick et Samuel pour Gaston. 

    Et ils seront sans doute nombreux présents à Sherbrooke lorsque Gaston se verra remettre une médaille pour son don de vie. Entouré des siens, entouré d’amour.
    Parce que parfois, un rein, c’est avant tout une question de cœur.

    >> À lire aussi : 

    Le don d’organes en chiffres… et en cout

    - Don d’organe : le consentement, chronique d’un débat à venir

     

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