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Discrimination pour daltonisme

La Ville de Québec devra verser plus de 110 000 $ à un pompier de Rivière-du-Loup

durée 9 février 2023 | 09h19
  • François Drouin
    Par François Drouin

    Directeur de l'information, journaliste

    Le Tribunal des droits de la personne vient de trancher. Le Louperivois Sébastien Samson-Thibault a été victime de discrimination fondée sur son daltonisme lors d'un processus d'embauche du Service de protection contre l'incendie de Québec (SPCIQ) qui s'est échelonné de décembre 2012 à octobre 2015. Ce dernier recevra donc plus de 110 000 $ en guise de dommages.

    À partir de 2012, Sébastien Samson-Thibault, pompier et officier à la Ville de Rivière-du-Loup, a traversé avec succès toutes les étapes de recrutement, à l'exception du test diagnostique d'Ishihara utilisé afin de mesurer sa capacité à bien distinguer les teintes rouges et vertes. Malgré tout, le processus de d'engagement s'est poursuivi jusqu'en octobre 2015 où il a finalement été informé par voie téléphonique que ses difficultés à discerner les couleurs ont fait en sorte que sa candidature a été rejetée.

    Pour le pompier, c'est l'incompréhension totale. Quelques jours plus tôt, il avait été convoqué «afin d’effectuer les prises de mesure pour les équipements» comme les chemises, manteau, casque protecteur, bottes et gants. Sébastien Samson-Thibault, qui aspirait à joindre le SPCIQ, voit son rêve s’effondrer. On lui refuse même une rencontre avec le comité de sélection auquel il souhaite démontrer ses capacités, en vain.

    M. Samson-Thibault a donc déposé une plainte pour discrimination à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. La CDPDJ soutient notamment que le pompier a été soumis à un questionnaire médical pré-embauche comportant de nombreuses questions ouvertes portant sur des motifs prohibés de discrimination. Elle considère aussi que la Ville n’a pas démontré que la nécessité de distinguer les couleurs rouges et vertes est une exigence professionnelle justifiée pour occuper un poste de pompier, ni qu’il aurait été impossible de composer avec le handicap du plaignant sans qu’elle n’en subisse une contrainte excessive.

    Rappelons que Sébastien Samson-Thibault était déjà pompier au Service de sécurité incendie de Rivière-du-Loup depuis 2009 au moment de postuler pour un emploi à la Ville de Québec. La Commission retient aussi que «non seulement sa capacité à agir efficacement dans cette fonction était manifestement acquise, mais elle lui avait même permis d’obtenir une promotion comme officier (lieutenant) dès 2011. Il était également instructeur dans le cadre du diplôme d’études professionnelles en sécurité incendie.» La CDPDJ a aussi proposé diverses mesures de redressement et demandé à la Ville et à Medisys, la clinique médicale, de les mettre en œuvre avant le 21 juin 2019, ce qui n'a pas été pas fait.

    Une longue bataille s'articule alors sur cette incapacité de Sébastien Samson-Thibault à bien discerner le vert et le rouge. Au fil des examens et du temps, il apparait au tribunal qu'aucun des professionnels qui se sont prononcés sur la condition du pompier n’a qualifié son « handicap » chromatique de «sévère».

    «NOUS, ON FAIT PAS DES BISCUITS»

    Lors de l'audience, l'avocate de la Ville de Québec n'a pas hésité à remettre certaines de ses compétences pour lequel M. Samson-Thibault est pourtant reconnu, notamment l'utilisation de l'appareil de protection respiratoire individuelle autonome (APRIA). Toutefois, le pompier a montré aux membres du Tribunal l’usage qu’il fait de l’APRIA dont «il maîtrise manifestement très bien le mode de fonctionnement», précisent ces derniers.

    Lors de son contre-interrogatoire par l’avocate de la Ville, l'officier louperivois a d’ailleurs fourni des explications que le Tribunal considère comme «convaincantes au sujet des nombreuses étapes de vérification qui s’imposent à lui, une fois en caserne, afin de s’assurer du bon fonctionnement de l’appareil en prévision de son utilisation».

    «C’est robuste le métier de pompier», a souligné le directeur du SPCIQ, Christian Paradis, combattre un feu c’est «hyper demandant», «ça crie, ça cogne», «c’est le chaos » : « Nous, on fait pas des biscuits», rapporte le Tribunal dans son jugement. Le directeur a admis qu'il était «quelqu’un d’hyper peureux», admettra-t-il, se refusant à « soustraire un élément de sécurité » : « On’ peut pas aller-là!»

    JUGEMENT

    Le Tribunal accueille en partie la demande du plaignant et déclare que la Ville de Québec a porté atteinte au droit de Sébastien Samson-Thibault d’être traité en pleine égalité, sans discrimination fondée sur le handicap, en refusant de l’embaucher comme pompier, le tout en violation des articles 10 et 16 de la Charte. Le Tribunal ordonne à la Ville de Québec de procéder à l’embauche de Sébastien Samson-Thibault dans un poste de pompier régulier dès qu’un tel poste sera ouvert, avec reconnaissance rétroactive au 23 novembre 2015 de tous les droits et privilèges afférents à ce poste, y compris de ses années de service et de son ancienneté non concurrentielle.

    Le Tribunal condamne à la Ville de Québec à verser à 98 188,67 $ à titre de dommages-intérêts matériels et 10 000 $ à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral. Il condamne aussi solidairement la Ville de Québec et Groupe Santé Medisys à verser au pompier la somme de 2 500 $ à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral en lien avec les questions discriminatoires du questionnaire médical préemploi.

    SÉBASTIEN SAMSON-THIBAULT

    Sébastien Samson-Thibault est aujourd’hui officier au sein du SSIRDL. Il occupe le poste de chef aux opérations - soutien logistique.

    Joint par Info Dimanche, il s’est dit satisfait du jugement tout en réservant ses commentaires à la fin de la période de prescription. Précisons que la Ville de Québec dispose de 30 jours pour faire appel du jugement qui remonte au 6 février dernier.

    De son côté, la Ville de Québec n’a pas voulu préciser son intention de porter la cause en appel. «Le jugement est tombé hier et la Ville prend acte du jugement dans ce dossier et analysera les prochaines étapes à venir», a souligné une porte-parole des Relations médias en réponse aux questions d'Info-Dimanche.

     

     

     

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