X
Rechercher
Nous joindre
Publicité

Un rein pour la vie 

durée 8 octobre 2022 | 06h53
  • Marc-Antoine Paquin
    Par Marc-Antoine Paquin

    Journaliste

    Voir la santé de quelqu’un que l’on aime profondément se dégrader, appréhender ses souffrances, est une expérience difficile. Un sentiment d’impuissance sans précédent sur lequel on a rarement le dessus. Peu de personnes ont en effet vraiment l’opportunité de changer les choses, comme l’a eu Patrick Chapdelaine lorsqu’on lui a confirmé qu’il pouvait offrir un rein à sa conjointe Isabelle il y a maintenant plus de 11 ans. 

    Pourtant, bien avant les tests médicaux nécessaires pour confirmer leur compatibilité, il n’y a jamais eu de doute dans l’esprit du Louperivois, jamais eu de question à savoir s’il était prêt ou non à donner, littéralement, une partie de lui-même pour la personne qui compte le plus à ses yeux. 

    La réponse a toujours été simple et limpide : oui. 

    «Je voulais la sauver, tout simplement», a confié le travailleur du milieu de la construction. «Sur le moment, avec l’émotion, le stress, c’était la chose à faire, quelque chose qui ne demandait pas de réflexion.» 

    HISTOIRE

    Patrick Chapdelaine et sa conjointe Isabelle ont vécu l’expérience du don d’organes, de la greffe, en 2011. Deux ans plus tôt, une rencontre chez le néphrologue avait confirmé que la femme, alors d’une trentaine d’années, allait bientôt avoir besoin d’un nouveau rein, les siens ne fonctionnant plus comme ils le devaient.  

    «Isabelle est atteinte de diabète juvénile depuis l’âge de 6 ans. Cette maladie silencieuse a fini par atteindre ses reins, causant une insuffisance rénale, puis à l’automne 2009, on nous a dit qu’il fallait trouver un donneur, penser à la greffe, tout ça…», raconte M. Chapdelaine.

    C’était un point de non-retour. «Je me souviens encore du médecin qui nous a dit d’en parler autour de nous, à nos proches, pendant les Fêtes. Je ne le réalisais pas vraiment. On savait que les reins d’Isabelle n’étaient pas parfaits, mais on ne pensait pas à la greffe. Ç’a été une gifle en plein visage, un choc.»

    «Comment est-ce qu’on propose quelque chose comme ça? Comment est-ce que ça se passe?», s’est-il aussi demandé à ce moment-là. 

    En même temps, il se rappelle de s’être rapidement dit qu’il souhaitait être volontaire comme donneur, espérant avoir la chance de changer les choses, même s’il n’en était pas question, initialement, pour sa conjointe. Ce n’était pourtant pas une question d’égo ou de fierté, mais d’amour, un point c’est tout. 

    Encore aujourd’hui, Patrick Chapdelaine a en tête les moments d’incertitudes et de stress qui se sont succédés durant cette période. De l’angoisse liée à la (très) longue liste d’attente, de l’hémodialyse, des formations à suivre, des voyagements vers Québec, des choix à faire rapidement… Du manque d’informations, aussi, au sujet du don d’organes lui-même. Des mythes tenaces à son sujet. 

    «Avec le recul, je réalise qu’il n’y avait pas tellement d’informations. Il se disait toutes sortes de choses, et c’est pourquoi c’est important d’en parler aujourd’hui, notamment auprès des jeunes. Il faut démystifier tout ça, que ce soit moins tabou», a-t-il partagé. 

    Décidé et convaincu, c’est finalement près d’un an plus tard, en 2010, qu’il a entamé les procédures pour confirmer qu’il était non seulement compatible pour la greffe, mais aussi que celle-ci ne représenterait aucun danger pour lui-même. Le processus a duré quelques mois, période durant laquelle il a été examiné «de la pointe des cheveux au petit orteil», sous tous les angles. Tests médicaux, rencontres en psychologie et en travail social…la totale. Rien n’a été laissé au hasard. 

    Puis, la réponse attendue est arrivée en avril 2011. Les anticorps de sa conjointe acceptaient les siens et l’opération ne représentait pas de danger. Le processus pouvait aller de l’avant. Le prélèvement et la transplantation du rein étaient même prévus quelques semaines plus tard, le 13 juin. Un grand soulagement. 

    «Tout s’est fait beaucoup plus rapidement qu’à l’habitude, mais il fallait agir vite, puisque les reins d’Isabelle se dégradaient. Quand elle a été opérée, il devait lui rester moins de 10 % de fonctions rénales», a souligné le résident de Rivière-du-Loup, ne cachant pas avoir levé plusieurs fois les yeux au ciel en implorant quiconque une compatibilité avec sa conjointe. 

    Onze ans plus tard, Patrick Chapdelaine vit comme si cet épisode ne s’était jamais vraiment passé. Il ne l’a pas oublié – et ne l’oubliera jamais – mais il se porte très bien, tout comme Isabelle d’ailleurs. Leur amour l’un pour l’autre est aussi encore plus fort. 

    «Après une convalescence de trois mois, j’ai repris ma vie que j’avais laissée en entrant dans la salle d’opération […] Aujourd’hui, je n’ai aucune contrainte. Je dois faire attention au sucre, mais c’est aussi le cas de tout le monde», a-t-il dit en riant. 

    Il réalise aussi tout ce que le geste a changé pour sa conjointe et sa qualité de vie. «L’hémodialyse, c’est très très difficile pour le corps. Je n’ose pas imaginer ce qu’elle aurait pu vivre plusieurs jours chaque semaine. Il fallait qu’elle évite ça.»

    «Aujourd’hui, Isabelle va aussi très bien. Elle est suivie de près, doit passer des tests chaque année à Québec, mais ce n’est pas grand-chose comparativement à ce qu’elle aurait pu vivre pendant l’attente pour une greffe. Et on ne sait pas combien de temps elle aurait attendu…»

    «UN GESTE POUR SAUVER DES VIES»

    Patrick Chapdelaine ne s’en cache pas : il lui a fallu du temps pour comprendre et réaliser la portée de son geste et surtout la façon dont celui-ci était perçu (positivement) dans les yeux des personnes qui connaissent leur histoire. Reste que de son côté, il y a toujours eu une simplicité, une évidence, associée au don qu’il a posé pour celle qu’il aime le plus au monde. 

    «Pour moi, c’était seulement inconcevable de ne rien faire. Je ne pouvais pas m’imaginer voir sa santé se dégrader de jour en jour, ce n’était juste pas possible, a-t-il répété lors de notre entretien. J’avais une rare possibilité, avec l’aide de la médecine, de la sauver, alors c’est ce que je devais faire.»

    «Quand on voit quelqu’un se noyer. Le premier réflexe, c’est de sauter à l’eau. On ne pense pas à nous dans l’immédiat», a-t-il plus tard imagé. 

    Depuis une décennie maintenant, Patrick Chapdelaine est aux premières loges tous les jours pour voir à quel point une greffe peut faire toute la différence dans une vie. C’est pourquoi il a accepté de s’impliquer comme porte-étendard du prochain Défi Chaîne de vie du Bas-Saint-Laurent, et d’encourager l’organisme dont l’objectif est de sensibiliser les jeunes et leurs familles à la question du don d’organes et de tissus. 

    «Signer sa carte d’assurance-maladie, parler avec ses proches de sa volonté de donner ses organes à son décès, l’inscrire à son testament, ce sont des gestes très simples qui peuvent avoir des conséquences incroyablement positives sur plusieurs personnes un jour. C’est le message que je souhaite qu’on retienne», a-t-il dit. 

    Quelque part, les gens n’ont pas à se poser de question, au même titre qu’il n’a pas hésité lorsque le moment est venu. Évidemment l’implication émotionnelle n’est pas la même, le geste pas aussi concret – à court terme, mais l’idée demeure. Quelque part, la chose à faire est évidente.

    «C’est un geste qui sauve des vies. C’est majeur, et il me semble que ça prend tout son sens.»

    Patrick Chapdelaine, sa conjointe Isabelle et toute l’équipe de Chaîne de vie Bas-Saint-Laurent vous invitent à les rejoindre pour une montée du Mont Saint-Mathieu, le 15 octobre prochain, afin d’appuyer la cause et de grimper, ensemble, pour la vie. 
     

    commentairesCommentaires

    2

    • MD
      Monique Dubé
      temps Il y a 2 ans
      Bravo Patrick pour ce beau geste de vie et d'amour pour Isabelle et longue vie à vous deux. J'espère par ce geste qu'il y aura plus de personnes qui signeront leur carte d'assurance maladie. Félicitations également au journaliste, M. Paquin, pour ce magnifique reportage.
    • GM
      Gilbert Michaud
      temps Il y a 2 ans
      BRAVO pour l'article et FÉLICITATIONS à ce héros comme M.Patrick que l'on ne sort pas assez souvent de l'ombre pour partagé ce GRAND GESTE humain. Quel beau message qui prouve qu'il y a encore de grand COEUR. Félicitations à vous M.Chapdelaine et merci au journal de le partager. Bonne suite à vous deux.

      Gilbert Michaud
      RDL
    Publicité

    RECOMMANDÉS POUR VOUS


    Publié à 6h59

    Amélie Dionne s’engage à démarrer le chantier de la route 293 en 2026

    Après une dizaine d’années de reports, de délais et de promesses gouvernementales, le réaménagement de la route 293 à Notre-Dame-des-Neiges a fait l’objet d’un engagement formel de la part de la députée de Rivière-du-Loup-Témiscouata, Amélie Dionne. En point de presse le 2 mai, elle a confirmé que le dossier sera réglé en 2026. «C’était vraiment ...

    Publié à 6h43

    Les membres de Promutuel Assurance Côte-Sud votent en faveur d’un projet de regroupement

    À la suite d’une assemblée générale extraordinaire (AGE) tenue le 6 mai à Montmagny, les membres-assurés de Promutuel Assurance Côte-Sud se sont prononcés en faveur d’un projet de regroupement avec Promutuel Assurance de l’Estuaire et ont ainsi adopté une résolution spéciale afin d’approuver la convention de fusion y étant relative. Ce projet, ...

    Publié à 6h32

    Urgence de Trois-Pistoles : le milieu compte accentuer la pression 

    Plus de 150 personnes se sont réunies à l’École secondaire de Trois-Pistoles, le 8 mai, afin de participer à une assemblée citoyenne portant sur la fermeture potentielle de l’urgence de l’hôpital de Trois-Pistoles en soirée et durant la nuit. Fort de cette mobilisation, un comité d’une trentaine de citoyennes et citoyens a été formé.  Le milieu ...