Refonte de la carte électorale fédérale : les élus régionaux énoncent de vives critiques
Des élus du Kamouraska, de Rivière-du-Loup et du Témiscouata ont joint leur voix à celles de leurs confrères de l’Est-du-Québec en critiquant vertement la proposition de refonte de la carte électorale par la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour le Québec, le 9 septembre. Ils ont clamé pour le statuquo, estimant que le projet présenté aurait des impacts importants sur le travail et la sécurité du député, la représentativité citoyenne et l’accès aux services fédéraux.
Dans le cadre d’une quatrième consultation publique organisée sur le territoire, le député de Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, Bernard Généreux, ainsi que les préfets des MRC de Rivière-du-Loup, du Témiscouata et du Kamouraska, Michel Lagacé, Serge Pelletier et Sylvain Roy, ont pris la parole tour à tour à l’Hôtel Universel. Ils ont unanimement demandé aux commissaires de revoir leur proposition et de ne pas aller de l’avant avec celle-ci.
Dans les derniers jours, des députés, des maires, des préfets et plusieurs autres intervenants ont fait front commun, profitant de la tenue des consultations publiques à Gaspé, Matane et Rimouski pour défendre vivement leur opposition.
Le projet de redécoupage électoral présenté propose essentiellement l’idée de rayer de la carte électorale la circonscription d'Avignon-La Mitis-Matane-Matapédia. Son territoire serait réparti dans une nouvelle circonscription baptisée Gaspésie–Les-Îles-de-la-Madeleine–Listuguj et dans le comté de Rimouski-Neigette–Témiscouata–Les Basques, qui serait renommé Rimouski–Matane.
La MRC des Basques maintiendrait seule sa position dans la circonscription de Rimouski-Matane, alors que la MRC du Témiscouata s’ajouterait à celle – déjà très grande – de Rivière-du-Loup, maintenant appelée Montmagny-Témiscouata-Kastakomiq.
Concrètement, la Commission souhaite rééquilibrer le nombre de personnes par comté, qui devrait s'établir autour de 109 000, et conserver le nombre de 78 circonscriptions fédérales dans la province avec l’ajout d’un nouveau comté dans les Laurentides.
RÉALITÉ DU DÉPUTÉ
Premier à prendre la parole, Bernard Généreux a reproché aux commissaires de ne tenir compte que des chiffres et des données démographiques. Il a témoigné de sa réalité de député, ainsi que des défis qui accompagneraient l’ajout de la MRC du Témiscouata aux régions qu’il défend déjà.
L’élu voit très mal comment il réussirait à se déplacer sur l’ensemble du territoire, lui qui donne déjà beaucoup de temps pour couvrir sur le terrain le comté actuel. Un aller-retour entre Les Escoumins et Lots-Renversés, par exemple, prendrait sept heures de route, aller-retour, en voiture. En hiver, les conditions des routes en milieu rural pourraient aussi mettre sa sécurité en jeu.
«Si on m’ajoute 19 municipalités, humainement, je ne vois pas comment je pourrais réussir à y arriver, comment je pourrais être partout», a-t-il laissé tomber en entrevue.
«Le travail d’un député dans une région comme la nôtre, aller à la rencontre des gens, c’est très demandant au niveau du temps. En région urbaine, un député peut voyager en vélo, alors que ce n’est pas du tout le cas ici. Quelque part, il faut tenir compte de nos réalités», a-t-il dit aussi. Avec ce qui est proposé, mon comté compterait 75 municipalités et serait probablement celui avec le plus grand nombre au Canada…»
DÉFENSE DES ACQUIS
De son côté, Michel Lagacé, également Table régionale des élu.e.s municipaux du Bas-Saint-Laurent (TREMBSL), a déploré que les élus régionaux devaient à nouveau défendre leurs acquis au profit des grands centres. Il a regretté que le projet propose de soustraire des voix à la Chambre des communes, plutôt que d’en ajouter.
«Nos besoins sont immenses et nos préoccupations le sont aussi. On n’a pas besoin de soustraire le nombre de voix [qui nous représentent], on a besoin de les additionner, de travailler ensemble. On a besoin d’un poids politique et du maintien de nos quatre députés dans l’Est-du-Québec», a-t-il soutenu.
«On peut faire dire bien des choses aux chiffres et le fait que le rapport et les orientations de la Commission soient basés presque exclusivement sur l’aspect démographique, ça vient desservir une juste représentation des citoyens de l’Est-du-Québec […] Ici, d’enlever une députation, une voix, ça n’a pas de bon sens.»
SERVICES FÉDÉRAUX
Enfin, Serge Pelletier, a rappelé que la région du Témiscouata a plus d’une fois été basculée d’un circonscription à une autre dans les 50 dernières années. À une époque, le secteur était même scindé dans deux comtés différents. Alors maire de Rivière-Bleue, il a déclaré que cette situation – qui pourrait être vécue dans la Matanie, La Matapédia et Avignon – amenait son lot de défis. «Je ne le souhaite à personne », a-t-il dit.
Sa position est aussi claire quant à sa volonté de maintenir la MRC du Témiscouata au sein de la circonscription de Rimouski-Neigette-Témiscouata-Les Basques.
«On n’a pas beaucoup de présences de services gouvernementaux fédéraux. C’est inexistant dans les milieux ruraux, et dans les faits, ce sont les bureaux du député qui sert de lien entre l’appareil gouvernemental et les citoyens, alors c’est vraiment important de maintenir une présence terrain de nos députés sur nos territoires», a-t-il rappelé.
«Le fait de réduire le nombre de circonscriptions, je pense que ça va avoir un impact négatif sur l’ensemble du territoire du Bas-Saint-Laurent et c’est inacceptable selon nous.»
Seulement une dizaine de personnes, incluant les quatre intervenants, ont assisté à cette dernière consultation publique dans l’Est-du-Québec. Pour la suite des choses, les délibérations des commissaires se feront dans six semaines et devraient aboutir à l’écriture d’un second rapport sur la carte électorale fédérale au Québec. Un autre rapport, final celui-là, viendrait confirmer la décision prise. D’ici là, les personnes et les organismes intéressés ont jusqu’au 13 octobre prochain pour déposer un mémoire sur la question.