Le combat annuel des organismes de transport collectif
L’histoire se répète dans le milieu du transport adapté et collectif au Québec. Les organismes Transport Vas-y de Rivière-du-Loup, Transport Roulami au Témiscouata et le transport adapté et collectif des Basques et de Saint-Cyprien attendent toujours les aides financières promises pour l’année 2021. Une situation qui met de la pression sur la capacité à maintenir les services aux citoyens.
Chaque année, le problème est le même pour les organismes offrant des services de transport collectif et adapté : le versement des sommes issues des programmes d’aide gouvernementaux, qui représentent une majeure partie des budgets annuels, est attendu, et attendu encore…
«On reçoit les montants qu’on nous doit plusieurs mois après la fin de notre année financière. On n’a rien reçu encore pour le transport collectif en 2021. Ce n’est absolument pas normal que ça prenne autant de temps et que les choses ne changent pas. Il y a une culture à revoir», a partagé le président du conseil d’administration de Transport Vas-y, Louis-Marie Bastille.
«C’est comme si un travailleur recevait la moitié de son salaire pour une année au milieu de l’année suivante. Il aurait beaucoup de difficulté à respecter ses engagements, devrait faire un budget très très serré et vivre sur des sommes accumulées. Ça ne peut pas fonctionner comme ça tout le temps, ça n’a aucun bon sens.»
Le 25 avril, l’Union des transports adaptés et collectifs du Québec (UTACQ) a lancé un ultime appel au gouvernement, demandant au ministère des Transports du Québec (MTQ) de verser «de façon immédiate» les aides financières impayées. Dans un communiqué diffusé de façon provinciale, elle réclame également que les programmes d’aide soient mieux adaptés aux réalités de chaque territoire, mais aussi à l’augmentation importante des couts de transport.
Les organismes de la région ont tous joint leur voix à cette sortie québécoise qui a aussi reçu l’appui de la Fédération québécoise des municipalités (FQM).
«Pour nous, c’était important de l’appuyer, puisqu’il faut que les choses changent, même si nous sommes dans une bonne santé financière. L’appui de la FMQ vient donner plus de poids à nos demandes et on espère qu’on sera entendus», a expliqué M. Bastille.
Selon les organismes locaux, l’imprévisibilité du financement et les incertitudes liées à sa récurrence compliquent la gestion au quotidien. Ils expliquent être privés annuellement d’une part cruciale de leur budget, alors qu’ils doivent payer leurs fournisseurs, l’essence, les salaires de leurs chauffeurs.
À Rivière-du-Loup, par exemple, Transport Vas-y attend impatiemment le versement d’un montant de 225 000 $ pour le financement du transport collectif en 2021, ainsi que 117 000 $ (sur 234 000 $) pour le volet adapté. L’aide du MTQ représente 65 % du budget annuel d’environ 700 000 $, l’organisme bénéficiant aussi de financements des usagers et de la MRC de Rivière-du-Loup.
«Dans un monde idéal, on aurait reçu les sommes en début d’année 2021 pour financer les services offerts dans les mois suivants. Actuellement, nous sommes en avril 2022, plus d’un an plus tard et nous n’avons rien du côté collectif. Le maintien de nos services n’est pas inquiétant pour le moment, mais ça reste incompréhensible», maintient Nicole Roussel, directrice générale de Transport Vas-y.
CONTRAINTS DE FRAPPER AUX PORTES
Selon l’UTACQ, aucun organisme ou MRC au Québec n’a encore reçu de subvention issue des programmes d’aide gouvernementaux en transport collectif pour 2021 et seulement la moitié de l’aide financière attendue a été versée – «très tard» – en transport adapté.
L’Union déplore que ce soient les MRC et municipalités qui doivent, dans plusieurs cas, avancer les liquidités nécessaires pour offrir la prestation de service aux usagers. Une réalité vécue dans les Basques, selon la directrice des transports adaptés et collectifs des Basques et St-Cyprien, Brigitte Charron.
«La MRC nous soutient. Sans elle, on ne pourrait pas fonctionner dans les conditions actuelles», mentionne-t-elle. Mme Charron ne cache pas que les délais de versement, entretenus par le gouvernement, ont un impact majeur sur la gestion de l’organisme rattaché à l’Éveil des Basques. Bien que les services soient maintenus, l’attente des sommes crée de l’incertitude et du stress.
«S’il arrive un imprévu, on craint ne pas avoir les reins assez solides pour supporter ça», mentionne-t-elle, soulignant que le montant à recevoir – stable depuis quelques années - devrait aussi être revu et adapté à la réalité d’aujourd’hui.
«L’essence est en forte augmentation. Dans les dernières années, nous avons aussi haussé les salaires pour suivre ce qui est offert dans le milieu. Mais pendant ce temps, la subvention reste la même.»
INCOHÉRENCES
Au Témiscouata, la directrice de Transport Roulami, Nathalie Dubé, rappelle que la situation est difficile depuis plusieurs années déjà, mais qu’elle continue de se détériorer. Elle note par exemple que les dates autrefois connues pour la réception de l’argent pour le volet adapté ne tiennent plus.
Afin d’éviter les bris de services, l’organisme qui dessert 19 municipalités puise actuellement dans ses surplus accumulés ces dernières années. «Ce qui est fâchant dans la situation actuelle, c’est que le ministère nous oblige maintenant à réinvestir ces surplus dans les services. Qu’on soit obligés de s’en servir également en attendant les subventions, ce n’est pas cohérent», indique-t-elle.
«Si on continue à utiliser nos surplus, on craint aussi de ne plus en avoir suffisamment pour être capables d’attendre nos subventions plusieurs mois dans les prochaines années. Va-t-on devoir prendre des emprunts avec des taux d’intérêt importants en attendant une subvention de base? Ça ne fait aucun sens.»
Mme Dubé regrette le «silence radio» du MTQ dans ce dossier et déplore que les modalités pour avoir droit aux aides financières changent brusquement. Elle relève aussi une autre incohérence : l’aide d’urgence offerte pour la pandémie.
«Avec la crise, le gouvernement nous a offert un service d’aide d’urgence. Récemment, j’ai reçu quelques centaines de dollars en urgence, mais ce sont que des miettes. Ce n’est pas ce dont nous avons besoin. Nous avons besoin de nos subventions, de notre financement régulier.»
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