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Mairie de Rivière-du-Loup

Sylvie Vignet ne regrette rien

durée 6 novembre 2021 | 06h55
  • François Drouin
    Par François Drouin

    Directeur de l'information, journaliste

    Élue mairesse de Rivière-du-Loup le 5 novembre 2017 après 12 années comme conseillère du district de la Plaine, Sylvie Vignet, n'a jamais eu la langue dans sa poche. Franche et directe, elle a été pour plusieurs «la voix citoyenne» de Rivière-du-Loup» lors de ses 16 ans de politique municipale et plus particulièrement pour les quatre dernières années.

    Retour en arrière, le 6 novembre 2017. Mme Vignet qui a été élue la veille pose devant l'objectif d'Info Dimanche face à l'hôtel de ville. Les automobilistes klaxonnent, les passants la saluent. Sylvie Vignet leur répond, toute sourire, les yeux brillants. Elle avait fait une campagne à hauteur d'homme. Exit les conférences de presse, elle privilégiait le contact humain. Les quatre années suivantes allaient s'inscrire dans cette continuité.

    Proche «de son monde» comme elle le rappelle, l’ex-mairesse s'est aussi affichée avec de nombreux organismes au fil de sa carrière municipale. «J’ai toujours été à l’écoute des gens. J’ai toujours voulu être impliquée», souligne-t-elle.

    Cet attachement n’a pas semblé s’user avec les années. Alors, pourquoi ne pas avoir prolongé l'expérience à la mairie ? «Mon fils m’a dit, "maman, c’est la seule job que tu quittes quand ça va bien. Tu as fait un beau mandat". Autant partir alors que j’ai le sentiment d’avoir livré la marchandise», raconte en riant Sylvie Vignet.

    Si aujourd’hui elle n’éprouve aucun regret face à son dernier mandat, elle admet avoir dû s’ajuster au fil des ans. La Sylvie Vignet d’aujourd’hui est bien différente de celle de novembre 2017. Plus patiente, plus posée, elle a affiné ce sens de l’écoute qui a défini son passage à la mairie.

    La politique municipale n’a rien d’un long fleuve tranquille et entre idées préconçues et réalité, le fossé est parfois profond, même quand on vient de passer 12 ans comme conseillère. C’est ce qu’a constaté la principale intéressée au lendemain de son élection. À quel sujet ? Les fonctionnaires notamment. Souvent honnis, leur rôle est méconnu du public, mais des élus aussi. S’ils n’en demeurent pas moins indispensables au bon fonctionnement de l’appareil municipal, ils sont souvent perçus comme un mal nécessaire.

    «J'ai changé, j’ai changé dans ma gestion de l’humain, à faire confiance, lance d’entrée de jeu Mme Vignet. Conseillère et mairesse ce n'est pas la même chose. À titre de mairesse, le contact est plus étroit avec nos fonctionnaires et j'ai réalisé à quel point ils et elles travaillent fort. À quel point aussi ils sont pris dans des normes et des critères imposés par le provincial et fédéral et qu’ils doivent respecter. (…) Ça m'a appris la patience et la tolérance. Je suis une femme très directe alors ça m'a appris à prendre le temps de poser ma pensée», explique-t-elle.

    Se qualifiant elle-même de caractère bouillant, elle retient qu’à leur contact, elle a dû apprendre à gérer ses émotions. «Je ne suis plus comme ça», soutient-elle. Une transformation qui lui a aussi permis de s’épanouir comme leader et gestionnaire, y compris en temps de crise.

    Ça ne s’est toutefois pas fait sans heurts. Pensons notamment aux départs du directeur des communications, David Lemelin, du directeur général Jacques Poulin et de la directrice du Service de l’urbanisme, Myriam Marquis. Sylvie Vignet écarte avec force l’hypothèse d’avoir cédé à la pression de gens d’affaires.

    «Les élus doivent diriger la Ville et ils sont là pour la population. Les élus sont des accompagnateurs, nous ne sommes pas là pour tout bloquer. Alors oui, on devait reprendre notre place et il y a eu des changements pour se donner les coudées franches. Les fonctionnaires aussi sont là pour la population, ce sont des professionnels, mais ils ne doivent pas perdre de vue que nous sommes comme une entreprise de services et que nous devons afficher de la transparence. On ne travaille pas en vase clos.»

    Si ces quatre années n’ont pas été marquées de grandes controverses, il y en aura eu… au moins une ! La première qui lui vient en tête est sa déclaration concernant la caserne incendie de Saint-Alexandre. «De qualifier leur caserne de garage lors d'une séance du conseil était une erreur et ce n'est pas vrai que je n'allais pas rectifier le tir. On a convoqué les médias et j'ai présenté mes excuses en compagnie de [la mairesse de Saint-Alexandre] Anita Castonguay.»

    Le ton était donné. Des faux pas, il y en aurait peut-être, Sylvie Vignet allait apprendre «à poser sa pensée», mais c’est son sens de l’écoute, reconnu par la majorité des citoyens qui ont croisé le chemin de la mairesse, qui a marqué son passage à la tête de la Ville.

    Que ce soit l’agrandissement de la bibliothèque Françoise-Bédard, la rénovation du Stade de la Cité des Jeunes, la future caserne incendie et les étangs aérés, Mme Vignet a usé de pédagogie pour expliquer les choix de la Ville. Une voix qui semble avoir porté alors que peu d’opposants se sont manifestés.

    «C’est parce qu’il ne s’agit pas de dépenses, lâche-t-elle d’un ton convaincu, mais des investissements. On investit sur des bâtiments, des infrastructures qui vont être là pour 50 ans. Pour moi, c’est de l’investissement pour de l’attractivité, pour la qualité de vie des familles, pour favoriser la pratique de sports, pour l’éducation avec une nouvelle école, la Ville a investi 2 M$ pour faire l’acquisition du terrain. Une Ville est un organisme de services, on a que ça des dépenses, mais tout le reste ce ne sont pas des dépenses. Des élus qui se font à "Lac-à -l’épaule", c’est une dépense, mais pas quand c’est investi dans des infrastructures pérennes.»

    Si du bout des lèvres elle reproche à l’ancienne administration de s’être trainé les pieds en matière de développement, elle s’est assurée que sous son règne la Ville reprendrait le haut du pavé, sans mauvais jeu de mots. Ou comme elle le dit, redonner à la Ville le pouvoir de se développer.

    En 2021, Sylvie Vignet n’a aucun regret. La mise au rancart du projet d’Écoquartier et la mise en vente le terrain Kogan aura été une décision d’instinct. «On l’a fait sur le "pif" qu’on avait. On ne sentait pas l’appui des gens alors on a décidé de vendre et en même temps on a eu l’offre pour la Maison des ainés. C’est énorme pour la Ville.»

    Celle qui a terminé son mandat de mairesse le 15 octobre dernier s’est toujours affichée comme une femme de conviction. «Sois convaincu de ce que tu avances et à partir du moment où tu as fait le travail de débroussaillage et que tu es conscient que tu ne peux pas satisfaire tout le monde. Le résultat va faire en sorte que les gens vont se ranger derrière toi.» Elle cite le parc du Campus et de la Cité et le Stade Premier Tech en exemple où les couts de réalisation ont attiré leur lot de critiques alors qu’aujourd’hui plus personne ne remet en question le bienfondé de ces deux réalisations.

    PARITÉ

    Bien que le futur conseil ne soit pas paritaire, Sylvie Vignet voit d’un bon œil l’arrivée d’Édith Samson et de Chantal Amstad, une première depuis 2009-2013 alors qu’Amélie Dionne et elle siégeaient à titre de conseillère.

    «Généralement, les femmes apportent une écoute différente. On ne pense pas et on ne voit pas les choses comme un homme. Ça amène une perspective complètement différente. À ma dernière séance, les élus m'ont dit que j'avais apporté un côté féminin qui a changé leur façon de penser les dossiers à plusieurs niveaux, ça m’a touchée.»

    DES DOSSIERS DIFFICILES

    Quand vient le temps d’identifier des dossiers difficiles, elle en nomme un spontanément. Il y a eu l'intervention malheureuse de Roger Plante au printemps 2019 où ce dernier avait brandi une chaine et un cadenas à un conseil de ville médusé pour ensuite se diriger en direction de la mairesse. «Les émotions étaient au plafond cette fois-là. J'ai encore la chaine, le cadenas et la clé. Je les ai laissés dans le bureau, pour Mario Bastille [rires].»

    Évidemment, Mme Vignet cite aussi l’épineux dossier de la SÉMER. Elle ne se défile pas, elle souhaiterait une plus grande transparence. Le projet est bon, soutient-elle, mais la SÉMER a été mal vendue à la population. En faisant miroiter des revenus, on a créé de trop grandes attentes. Elle pointe aussi du doigt le gouvernement Legault qui a repoussé à 2030 sa Stratégie de valorisation de la matière organique.

    «C'est une super de belle usine (…) et dans deux ou trois ans, nous serons en surplus, mais tant que nous n'aurons pas la subvention pour faire le gaz liquéfié nous perdrons de l'argent. Et pendant que le gouvernement nous fait attendre, il regarde le gaz bruler, plusieurs milliers de dollars par jour, pour absolument rien», tonne Sylvie Vignet.

    DANS QUATRE ANS ?

    En 2017, Info Dimanche demandait à la nouvelle mairesse où se voyait-elle dans quatre ans. «J’aimerais qu’à la fin, les gens disent que j’ai fait une différence, qu’ils disent que je les ai écoutés. D’avoir ramené les idées à la base, faire le lien entre nos fonctionnaires qui font du bon travail et le citoyen», nous avait-elle répondu.

    Sylvie Vignet ne ferme pas la porte à un retour en politique, mais «pas avant 10 ans» ! Et d’ici là, de quoi rêve-t-elle pour sa ville ? «J’ai toujours dit "une ville, une MRC". Je crois dans la force du nombre, dans la synergie des forces. Je crois qu’un Rivière-du-Loup de 35 000 ou 40 000 habitants a beaucoup plus de force d’attraction.» La balle est lancée.

    A-t-elle un conseil, un seul, à donner au nouveau maire Mario Bastille ? «Écoute ta population et ça va bien aller», répond du tac au tac Sylvie Vignet. Parce que pour être la voix, il faut aussi savoir écouter.

     

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