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Prendre le large pour aller voir ailleurs

durée 24 juillet 2021 | 06h55
  • Marc-Antoine Paquin
    Par Marc-Antoine Paquin

    Journaliste

    Un lourd brouillard enveloppe le fleuve Saint-Laurent en cette matinée du mois de juillet, au port de Gros-Cacouna. Dans le ciel, le soleil peine à se frayer un chemin à travers les nuages gris et opaques. Pourtant, à bord de leur voilier, Mireille Morin et Hugo Hamel rayonnent.

    Contrairement à la météo, leurs idées sont claires et limpides, alors qu’ils s’apprêtent à partir au large pour un long périple qui les amènera, espèrent-ils, «à voir ce qui se passe ailleurs» et vivre autrement.

    Voiles déployées, le couple a quitté Montréal quelques jours avant cette rencontre en eaux bas-laurentiennes. En escale à Cacouna, le duo en a profité pour faire le plein d’énergie et rassembler les derniers essentiels à son voyage, à son rêve. Il a aussi, surtout, passé du bon temps avec la famille, puisque celle de Mireille habite toujours cette région où elle est née.   

    «Nous partons pour Tadoussac [mercredi matin].  En gros, nous voguerons jusqu’aux Îles-de-la-Madeleine. Nous traverserons après en Nouvelle-Écosse pour rejoindre la côte est américaine jusqu’en Floride. Ensuite, ce sera les Bahamas, et puis… on verra!», lance Mireille Morin avec le sourire, à bord de Big Fish, leur voilier et maison pour les prochains mois. 

    «Ce sont nos grandes destinations au sens large. Notre itinéraire a été tracé au Crayola, image-t-elle avec humour en parlant des petits crayons de cire utilisés par les enfants. On l’aime comme ça. Notre plan, c’est de ne pas trop avoir de plan…»

    Le duo n’est pas inconscient ou mal préparé, au contraire. Il est plutôt centré sur le moment présent. À 34 et 43 ans, Mireille Morin et Hugo Hamel souhaitent tenter l’expérience de vivre en dehors du travail, disons, traditionnel. Pas de se payer des vacances à temps plein, puisque la vie en mer est exigeante et imprévisible, parfois loin du côté romantique que l’on peut lui attribuer, mais de s’offrir de la liberté et du temps. Le temps de vivre autrement, d’apprécier le monde et les rencontres qui se présentent, celles que l’on bouscule trop souvent. 

    UN NOUVEAU QUOTIDIEN

    Sans surprise, c’est la pandémie de la COVID-19 qui a tout précipité. Hugo, un travailleur à succès du milieu du spectacle et des arts vivants, a vu son monde prendre une pause prolongée quand tout s’est arrêté. Passionné de voile et de navigation, il a décidé l’été dernier de jeter les amarres et de partir en mer une première fois sur une plus longue période. «Le milieu du spectacle a été frappé à coups de pelle ronde, dit-il. J’avais besoin d’une parenthèse.»

    Le voyage a duré environ trois mois. Mireille, ébéniste et entrepreneure sociale, devait d’abord le rejoindre pour une échappée de quelques jours seulement. Elle y est restée plus de sept ou huit semaines, sans jamais repartir. «Ç’a été un essai pour la vie à bord, pour la vie de couple aussi. Tout s’est très bien déroulé. La communication était bonne et on ne s’est pas fait peur non plus, même s’il faut être des amants en même temps que des matelots. On a été très bienveillants l’un envers l’autre», souligne la jeune trentenaire. 

    C’est aussi à ce moment-là, quelque part en Côte-Nord, qu’ils se sont dit qu’ils pouvaient aller au bout du monde ensemble. Et qu’ils ne se voyaient pas ailleurs, finalement. «On s’est dit : ‘’Et si c’était ça, notre vie?‘’ Parce que c’est ça que l’on recherchait, cette espèce de liberté-là. C’est ce qu’on voulait et la réalité nous a pété en pleine face», mentionne Benoit. 

    Le retour à la réalité de la métropole a été un choc et une nouvelle «parenthèse», à échéance indéterminée celle-là, est devenue inévitable. C’est ainsi que Mireille Morin et Hugo Hamel ont décidé de tout quitter et de laisser tomber la plupart de leurs biens, leurs maisons et leurs voitures, il y a plus d’un an. À travers les préparatifs, Big Fish le voilier, et ses 160 pieds carrés complètement revampés, est devenu leur nouveau domicile. Une clé de voute, pratiquement remise à neuf grâce à plus de 450 heures de travail, vers un monde de découvertes et d’aventures. 

    Financièrement, le couple estime avoir accumulé assez «de billes» pour tenir environ trois ans, tout en se gardant un coussin pour la prochaine étape, quelle qu’elle soit. Ils comptent vivre de façon prudente, sans s’énerver, mais sans tomber dans la simplicité volontaire non plus. Ils souhaitent cuisiner, et surtout éviter les marinas dont les frais peuvent être exorbitants. Ils disposent d’ailleurs de réserves d’eau et de nourriture pour passer plusieurs jours sans toucher terre, au cas où cela était nécessaire. 

    Les aventuriers estiment pouvoir bien vivre avec 20 % de ce qu’ils gagnaient avant. «Sans ce projet, on se serait sûrement donné encore plus sur le marché du travail et je me serais surement endetté. Là, au contraire, je vais vivre de façon plus libre. Au retour, je vais avoir développé mes ressources interpersonnelles, plutôt que m’être enrichie avec des ressources financières et des acquis qui, ultimement, ne m’apportent rien», partage Mireille. 

    UN RÊVE EN ACTION 

    Pour elle, qui a fait plusieurs voyages solo en cyclotourisme à travers le Canada et l’Europe, l’aventure est naturelle. Celle en mer l’est sans doute encore plus, puisqu’elle a été élevée près du fleuve et qu’elle ressent pour l’eau une affection profonde. Pour Hugo, il s’agit d’un rêve d’enfance, lui qui navigue depuis plusieurs années, mais qui estime n’en avoir jamais assez profité. Une fenêtre est maintenant ouverte.  

    Le couple s’est donc lancé et a mis son rêve en action, fonçant à travers les doutes et les angoisses. «On ne sait pas exactement dans quoi on s’embarque, mais c’est le choix qu’on a fait. Ce n’est pas un pied de nez à la société ou à quoi que ce soit. Ça n’a rien à voir. C’est une volonté de vivre quelque chose d’un peu différent, d’aller voir ce qui se fait ailleurs», déclare Benoit. 

    Avec le recul, il réalise que rythme qu’il endurait dans le monde du spectacle, qui l’a amené à voyager à travers la planète, mais aussi à travailler de 8 heures à 23 heures, «ne faisait pas de sens». «Je souhaite me calmer [à travers ça], arrêter d’avoir cette pression sociale de performance. Je ne veux pu entendre : ‘’Il faut que…’’. Ça m’agace profondément», note-t-il, avant que Mireille complète. «Les efforts qu’on fait maintenant, c’est pour nous», souligne-t-elle. 

    Le duo décrit que voyager à la voile, c’est prendre le temps, quelque chose qui ne se fait plus aujourd’hui où l’instantanéité fait foi de tout pour «la génération micro-ondes». Ils souhaitent profiter des moments pour apprécier et rencontrer, se laisser porter par la météo, évidemment, mais aussi par les discussions. «Avoir le temps d’entrer en contact avec les gens, de vraiment s’intéresser à l’autre, ça n’a pas de prix. Ça revient toujours à ça, mais on y croit très fort», mentionne le marin.

    «Il n’y a pas de raison logique [de voyager comme ça], si ce n’est que pour faire autre chose. Mais pourquoi on ferait autre chose, si ce n’est pas pour rencontrer?», ajoute-t-il. 

    Mireille Morin et Hugo Hamel quittent pour l’aventure et c’est sans surprise qu’ils en reviendront différents et, nul doute, grandis. Ils savent aussi déjà qu’ils sont au bon endroit, ensemble, «à donner l’un pour l’autre», et à «s’abandonner complètement» à la mer et aux expériences à venir. 

    Il est possible de suivre sur voyage sur la page Facebook «Les aventures de Big Fish». 

     

    commentairesCommentaires

    1

    • CS
      Claude Stordeur
      temps Il y a 2 ans
      Les méandres du destin nous attirent pour certains vers un inconnu, qu on a déjà connu... et fort de ce passé ils naviguent au travers de la mer d obstacles des mers...
      En plus d'être en fusion ils sont prêt à tout, même à l inconnu...
      Bravo
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