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Deux héros dans la nuit: Colette Lafrance et ses sauveteurs

durée 10 juin 2019 | 06h56
  • François Drouin
    Par François Drouin

    Directeur de l'information, journaliste

    Le 23 janvier, alors que la Résidence du Havre se transforme en véritable enfer, Colette Lafrance, lutte pour sa vie. Elle saute d’un étage et atterrit sur le toit d’une terrasse. Elle aperçoit des faisceaux lumineux, deux ombres se détachent dans la noirceur et la fumée. Pascal-Éric D’Amours et Simon Dufour de la Sûreté du Québec l’ont trouvé, ils viennent la sauver. Près de cinq ans et demi plus tard, c’est elle qui les retrouve, ses deux sauveteurs, ses deux héros.

    L’émotion était palpable lundi dernier dans l’appartement de Mme Lafrance à L’Isle-Verte. Baignée par une lumière douce qui fait contraste avec cette nuit tragique, la dame de 86 ans a enfin pu rencontrer ceux à qui elle doit la vie. Pour les deux agents, il était hors de question de manquer ce rendez-vous.

    Assise entre les deux policiers, Colette Lafrance rayonne. Il se dégage d’elle une force et une grande vivacité. S’essuyant les yeux d’un mouchoir, elle raconte d’une voix assurée ce qu’elle a vécu.

    Son sauvetage, la fumée, les étincelles, puis l’autobus dans lequel elle tentera de se réchauffer alors qu’elle aperçoit pour la première fois, médusée, l’intensité du brasier.

     

    «Quand j’ai vu où j’étais, les balcons tombaient. Tout ça descendait. Quand j’ai vu ça. Je me suis renfrognée. Je me suis dit «ici, il faut toffer», il n’y a plus de vivant là-dedans», laisse-t-elle tomber.

    Transportée au Centre hospitalier de Trois-Pistoles avant d’être transférée à Rimouski, puis relocalisée à la Villa des Basques, Mme Lafrance n’a d’autre souhait que de revenir chez elle, à L’Isle-Verte et de retrouver les deux braves policiers.

    «Mes larmes, disons, je les ai passées là-bas. On dirait que c’est mieux à l’étranger. Dans ces cas-là, il faut peut-être sortir du milieu. Mais je voulais revenir, L’Isle-Verte, c’est chez moi», raconte l’une des trois dernières survivantes du Havre.

    RECHERCHE

    Avec détermination et la moitié d’un prénom, «Pascal», entendu dans la cacophonie de la nuit, Mme Lafrance amorce ses recherches. C’est avec des découpures d’articles d’Info Dimanche qu’elle aborde le sergent Dave Ouellet qui a tôt fait de reconnaitre Pascal-Éric D’Amours. Il ne reste plus qu’à identifier Simon Dufour.

    C’est finalement le lundi 3 juin à 13 h 30 que les deux policiers en congé se présentent à la porte de Colette Lafrance. «C’est de mettre un visage vivant sur cette nuit-là», lance Simon Dufour. Un visage qui s’avèrera un véritable baume au cœur pour les deux hommes.

    «Ça a été une nuit d’enfer, encore aujourd’hui c’est difficile. Les émotions ne sont jamais loin. Nous étions 10 policiers ce soir-là, nous le portons tous», laisse tomber Pascal-Éric D’Amours.

    Aujourd’hui, Colette Lafrance ne ressent aucune colère envers le destin, mais plutôt une profonde reconnaissance envers «ses deux sauveteurs» et la vie qui se poursuit. Pour Simon, la culpabilité de ne pas avoir pu sauver plus de résidents l’habite toujours. «On essaie de focaliser sur le positif.»

    BLESSURES DE L'ÂME

    Les plaies sont toujours vives. «Vous êtes des héros. On a tous été marqués au fer rouge, c’est dans notre cœur. On n’y peut rien. Mais on doit se souvenir de vous, c’est vous autres qui nous avez sauvés, qui m’avez ramassée. Vous êtes tellement de bonnes personnes», lui répond Mme Lafrance.

    Loin de chez eux, ils sont revenus près du Havre, écouter Colette Lafrance, son histoire, leur histoire. Trois destins, à jamais liés. Elle est la première qu’ils ont sauvée. Lundi, ils ont écouté, ils se sont ouverts à elle aussi. Les yeux parfois rougis par l’émotion, ils ont parlé, un peu. Ils se sont confiés à elle. Colette Lafrance a écouté. Elle a posé un regard bienveillant sur eux. Elle sait. Ces trois-là sont unis à jamais, ce sont des survivants.

    Ces deux hommes, comme d’autres policiers, pompiers, paramédics, simples citoyens, ont vécu l’enfer cette nuit du 23 janvier. Ils l’ont traversé pour lui arracher quelques vies. Des héros portant aujourd’hui encore le fardeau d’en avoir trop vu. Et malgré tout, Pascal-Éric D’Amours et Simon Dufour sont là, pour protéger et servir. Lundi, ils rencontraient Colette Lafrance qui tenait tant à leur dire... merci.

    Une dame toute menue qui au beau milieu du brasier a confronté sa peur, qui s’est battue pour rester en vie. En se laissant tomber de son balcon, puis en faisant confiance à ses deux sauveteurs qui l'ont ensuite attrapée, ce petit brin de femme au courage immense a tenu la main de ses deux héros en s'accrochant à la vie. Cinq ans et demi plus tard, elle reprenait ces mêmes mains, meurtries, pour leur retirer un peu de ce lourd fardeau.

    Parce qu’après la nuit d’horreur, après les cris... Il reste la vie.

    Photo : François Drouin

     

    commentairesCommentaires

    7

    • M
      Merci
      temps Il y a 4 ans
      Encore une fois quel reportage touchant, tellement profondément humain. Merci Mme Lafrance d'être là. Merci messieurs D'Amours et Dufour pour votre courage, pour votre résilience. Merci François Drouin de les mettre en lumière. Merci pour votre plume, votre humanité.
    • RL
      Réal LaFrance
      temps Il y a 4 ans
      M.Drouin vous avez un article formidable . Ma cousine Colette méritait qu'un suivi fut fait sur les gestes de bravoures que ces deux policiers avaient réalisés dans cette nuit d'horreur. Je tiens personnellement à féliciter et remercier ces braves pour ce sauvetage et possiblement d'autres gestes qu'ils ont réalisés à cette occasion., Grand merci M.D'Amours et M.Dufour d'avoir permis à Colette de poursuivre sa vie dans la joie et le plaisir de rendre ses amis heureux. Elle est tellement attachante. M.Drouin, vous avez un texte qui va nous chercher, j'ai perdu plusieurs amis dans ce feu.
    • DL
      Denis LAROUCHE
      temps Il y a 4 ans
      Wow ! Quelle article touchant, merci de partager votre expérience. J'ai toujours eu du respect pour les policiers policières les pompiers les ambulanciers ambulancières, pour leurs travail dans ce genre de situation merci. Malheureusement pour beaucoup gens il ont pa eu la même chance. Longue vie à vous Madame.
    • IB
      Isabelle Blanchet
      temps Il y a 4 ans
      Ayayaye François! Quel article... j’ai des frissons. Après l’horreur, un peu de bonheur. Je suis réellement touchée par le destin de ces 3 merveilleuses personnes.
    • C
      Cibole
      temps Il y a 4 ans
      Super félicitations aux policiers et merci M Droin pour votre article.
    • PC
      Pierre Coulombe
      temps Il y a 4 ans
      Bravo à ces deux policiers et à tout ceux qui ont travaillés très dur dans les circonstances. Madame je vous souhaite encore de très belles années en santé.
    • FT
      Frederick Toner
      temps Il y a 4 ans
      Quel rapportage ! C'est très émouvant et c'est tout à l'honneur à la Sureté du Québec Je suis âgé de quelques mois de plus que Madame et son courage est un exemple à suivre. Frederick Toner
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