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Sirop d’érable : des milliers de dollars investis pour éliminer le plomb

durée 26 janvier 2018 | 06h58
  • Andréanne Lebel
    Par Andréanne Lebel

    journaliste

    La Proposition 65, une entente signée en 2014 en Californie force les producteurs de sirop d’érable québécois à investir des dizaines de milliers de dollars en nouveaux équipements exempts de plomb. «C’est de l’argent qu’on est obligés de sortir de notre fonds de roulement pour mettre dans nos équipements. C’est comme un embargo de la Californie sur le sirop d’érable du Québec», estime Roberto Landry, vice-président du Syndicat des producteurs acéricoles du Bas-Saint-Laurent/Gaspésie.

    La nouvelle norme appliquée en Californie est de 11 parties de plomb par milliard (ppb), près de 23 fois plus sévère que la norme québécoise en vigueur, qui est de 250 ppb. À titre comparatif, la norme pour l’eau potable est de 10 ppb. Les producteurs du Québec doivent tous s’y conformer d’ici 2020. M. Landry exploite également une érablière de 60 000 entailles à Biencourt au Témiscouata, l’Érablière B.L.P. Selon lui, cette norme crée de la grogne du côté des producteurs.

    PASSAGE OBLIGÉ

    Les changements sont toutefois inévitables si les acériculteurs québécois souhaitent faire entrer leurs produits aux États-Unis. Selon le ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada, en 2015, la Californie était l’un des plus gros acheteurs de produits de l’érable du Canada pour le marché américain (48M$), après le Vermont (52 M$) sur un total d’importations de 179 M$ des États-Unis.

    «Au printemps 2018, mon entreprise doit être conforme. Les érablières moins grandes seront dans une situation plus précaire en 2020, où tous les changements devront être apportés», a souligné M. Landry. D’après lui, certains producteurs de sirop d’érable devront dépenser entre 25 000$ et 50 000$ pour mettre aux normes leurs équipements afin qu’ils ne contiennent aucune trace de plomb. Tubulures, soudures de joints, évaporateurs et bassins, tout y passe. Des dépenses qui n’étaient pas prévues avant 2014 et qui risquent de faire mal au cours des prochaines années.

    «Par exemple, une valve de laiton qui contient du plomb coute environ 50$. Une valve en stainless sans plomb, c’est 200$. Notre sirop va-t-il être meilleur ? Non ! Nous n’avons pas le choix de s’y plier. On est fait fort au Québec, on va passer au travers, mais ça crée d’importantes contraintes pour les producteurs», complète-t-il. Ce dernier a dû investir environ 10 000$ pour changer un osmose (séparateur).

    AUCUNE COMPENSATION

    De son côté, la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ) exerce des pressions auprès du gouvernement afin que certaines de ces dépenses soient remboursées. Il n’y a pour le moment aucun programme de compensation financière en place pour répondre aux normes californiennes.

    «La lettre que nous avons envoyée au ministère de l’Agriculture estimait les couts d’achats d’équipements à environ 75 M$ d’ici 2020 au Québec. Si nous n’avons pas de réponse de leur part, nous allons réitérer notre demande. Ce sont les consommateurs qui vont en bénéficier. Investir dans l’achat d’équipements pour les acériculteurs, c’est un investissement chez nous. La plupart sont fabriqués ici au Québec, ça fera tourner notre économie», souligne le directeur de la FPAQ, Simon Trépanier.

    Les acériculteurs peuvent aussi compter sur le soutien du Club d’encadrement technique acéricole de l’Est et du Centre en recherche et développement en acériculture (ACER).

    «La problématique à court terme, on ne la voit pas vraiment puisqu’elle touche l’exportation. Toutefois, pour avoir des installations sans plomb, la responsabilité retombe sur le producteur (…) Il ne faut pas voir ça comme étant 100% négatif, même si la norme californienne est à mon avis un peu exagérée. Je vois positivement cette rigueur pour un produit alimentaire. En disant que le sirop québécois est exempt de plomb, on maximise notre image et c’est sain», ajoute Jacques Boucher du Club d’encadrement technique acéricole de l’Est. Par ailleurs, toute la tubulure utilisée pour la production doit maintenant être de grade alimentaire et les barils d’entreposage en acier galvanisé devront être complètement remplacés d’ici 2019.

    PROPOSITION 65

    La Proposition 65 est une loi citoyenne entrée en vigueur en Californie en 1986 qui consiste à protéger les sources d’eau potable contre les substances toxiques. En 2013, 9 emballeurs-transformateurs du Canada et des États-Unis ont reçu un avis de violation pour les sirops d’érable dépassant les limites permises par la Proposition 65. Une entente hors cour signée le 1er octobre 2014 stipule que si le sirop d’érable ne contient pas plus de 11 ppb et que l’entreprise peut démontrer que des mesures de réduction ont été mises en place, il n’est pas nécessaire d’afficher de mise en garde. Autrement, des poursuites légales peuvent être entreprises si les aliments contiennent des traces non naturelles de produits toxiques sans mention.

    L’industrie québécoise de l’érable se doit de respecter les normes de la Californie afin de maintenir son leadership nord-américain. «La Californie est un gros acheteur, nous n’avons pas le choix de rencontrer les nouveaux critères. D’autres juridictions en entendent parler, ce n’est qu’une question de temps avant que ce ne soit appliqué ailleurs (…) C’est une opportunité d’améliorer notre production», complète le directeur du Centre ACER, Yves Bois.

    STATISTIQUES

    Selon les statistiques de 2016 compilées par la FPAQ, le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie ont produit près de 23,8 millions de livres de produits acéricoles, soit environ 16 % de la production totale du Québec. La taille moyenne des entreprises du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie est de 15 500 entailles. La province de Québec représente à elle seule 92 % de la production canadienne de sirop d’érable et 71,4% de la production mondiale.

    En 2016, environ 62% des exportations canadiennes se sont dirigées aux États-Unis. Au cours de la même année, la Californie a importé pour 48 M$ (dollars américains) de produits de l’érable du Canada. C’est plus que l’importation totale du Japon qui se chiffrait en 2015 à 33 M$. 

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