Rivière-du-Loup – Les horaires de faction sont depuis longtemps décriés par les paramédics des régions où elles sont appliquées. Mais voilà qu’un rapport d’intervention de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), dont Info Dimanche a obtenu copie, vient donner des munitions à ses détracteurs. L’horaire de faction transformerait-il l’ambulancier en véritable danger routier ? Il semble que oui.

Le rapport fait suite à une plainte déposée au nom de ses collègues par le paramédic Daniel Chouinard de la Coopérative des paramédics du Grand-Portage sur la « Procédure d’autorisation de prise de repos pour les techniciens ambulanciers paramédics affectés aux horaires de faction », le PRO-3001.

« Ça fait 20 ans qu’on dit que l’horaire de faction est dangereux, pour nous, mais aussi pour les gens à qui nous donnons des soins. C’était une mesure qui devait être temporaire en 1989, mais qui est toujours là.  Alors, 25 ans plus tard, ce  n’est plus acceptable », souligne M. Chouinard.

LA CSST LUI DONNE RAISON

Dans son rapport, l’inspecteur de la CSST, Rémi Dufour, lui donne raison. Il considère que les horaires de faction représentent des risques « d’accident de travail, accident médical et routier » pour les techniciens ambulanciers assujettis à cet horaire, ce qui est le cas à Rivière-du-Loup.

La CSST demande donc que la procédure soit modifiée afin de faire en sorte d’accorder sept à huit heures consécutives de repos par période de 24 heures.  En conclusion, le rapport stipule : « La procédure doit être modifiée et des mesures de prévention possibles doivent être mises de l'avant par l'employeur pour éviter qu'une fatigue excessive des ambulanciers ne représente un danger pour eux. »

Pour Daniel Chouinard qui est aussi le président de la Fraternité des Paramédics du Grand-Portage, il s’agit d’une importante victoire. « Le rapport est exécutoire même si la décision est contestée. Dans le cas de la coopérative, c’est la convention collective qui s’applique, ce qui veut dire que les horaires de faction devront faire place aux quarts à l’heure. »

QU’EST-CE QUE L’HORAIRE DE FACTION?

L’horaire de faction ayant fait l’objet de nombreuses contestations dans les milieux préhospitaliers où elle est en vigueur fait en sorte que l’ambulancier est de garde sur un quart de travail de 7 jours consécutifs, 24 heures sur 24. Mais c’est en matière d’heures de repos que le bât blesse. Selon Daniel Chouinard, la procédure de repos appliquée fait en sorte d’entrainer des temps d’éveil de 25 heures, voire plus.

Selon la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), la fatigue induite par le temps d’éveil trouve un comparable en taux d’alcoolémie. Le rapport de la CSST met ainsi en lumière des chiffres de SAAQ sur la fatigue démontrant le risque d’accident.

Selon la SAAQ, après 17 à 19 heures d’éveil, les diminutions de performances sont équivalentes à un taux d’alcoolémie de 0,05% alors qu’après 24 heures d’éveil, il passe à 0,1%. Inutile de rappeler qu’un automobiliste trouvé au volant d’un véhicule avec un tel taux d’alcoolémie est arrêté et voit son permis lui être retiré.

La CSST souligne l’absence de mesures formelles de contrôle de fatigue de l’employeur qui ne tient pas compte  dans l’application de la « Procédure d’autorisation de prise de repos pour les techniciens ambulanciers paramédics affectés aux horaires de faction, une procédure vieille de 10 ans, des périodes de sommeil, et si ces périodes sont de jour ou de nuit et de la fatigue accumulée.

Il est à noter que la Corporation des services ambulanciers du Québec conteste cette décision de la CSST. « C’est une procédure normale », souligne M. Chouinard. Une rencontre avec la corporation est d’ailleurs prévue le 19 septembre prochain.