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Des droits et des libertés à défendre

durée 5 mai 2024 | 11h32
Pierre Jobin
duréeTemps de lecture 3 minutes
Par
Pierre Jobin

Pour la troisième année consécutive, j’ai reçu l’invitation de présider l’assemblée générale de la Ligue des droits et libertés du Québec. C’est pour moi un plaisir et un honneur d’apporter ainsi ma petite contribution à l’important travail de la Ligue en matière de défense des droits de la personne et des libertés fondamentales.

Plus que jamais le travail de la Ligue ainsi que celui d’organismes similaires revêt une grande importance. Les droits et les libertés fondamentales sont de plus en plus menacés. Personnellement, deux dangers m’interpellent particulièrement.

Tout d’abord, il y a ce recours désinvolte aux clauses dérogatoires pour soustraire certaines mesures législatives aux chartes des droits et libertés. Certes, ce recours n’est pas nouveau. Mais pour la première fois de notre histoire, elles sont utilisées de manière préventive avant même qu’un tribunal ne se soit prononcé sur le caractère discriminatoire des lois en question. Les chartes des droits et libertés tant nationales qu’internationales énoncent déjà des limites à l’exercice des droits et des libertés fondamentales. On admet facilement que les libertés puissent être encadrées et même limitées pour des motifs de santé ou de sécurité publiques. Par exemple, on ne conteste pas le fait qu’il soit interdit à un Sikh d’entrer dans un avion avec son Kirpan (couteau rituel). Sans encadrement, le recours aux clauses dérogatoires revient finalement à libérer la majorité parlementaire de son devoir de respecter les droits et libertés fondamentales des citoyennes et citoyens.

Ensuite, l’autre danger qui me semble se profiler est celui de la relativisation des droits et libertés, de la mise en doute de leur importance dans une société démocratique. Certes, les différents textes qui énoncent ces droits et libertés n’ont rien de sacré et d’immuable. Ces textes ont évolué avec le temps. Par exemple, lorsque l’assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité la Charte québécoise en juin 1975, l’article 10 sur les motifs de discrimination illicite ne contenait pas la question de l’orientation sexuelle.

On s’ingénie à trouver des prétextes pour nier les libertés fondamentales. La Charte canadienne nous auraient été imposés de force en 1982. Certes, mais le Québec avait déjà adopté une charte contenant l’énoncé des mêmes libertés fondamentales. De plus, sans demander la permission au fédéral, le Québec avait ratifié deux pactes internationaux : celui sur les droits civils et politiques et celui sur les droits économiques, sociaux et culturels.

On essaie aussi parfois d’établir une certaine hiérarchie entre les droits et libertés comme si certains plus importants pouvaient nous permettre d’ignorer les autres. Une des grandes affirmations de la Conférence mondiale des droits de l’homme de Vienne (1) en 1993 est celle que tous les droits de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés entre eux. Nous n’avons pas à choisir entre les libertés de conscience, de croyance, d’opinion et d’expression. Nous avons la responsabilité dans une société démocratique de rendre possible l’exercice de toutes ces libertés fondamentales dans les respect de chaque personne.

L’expression des droits et libertés fondamentales a connu un certain sommet en 1948, année où les nations, après le constat des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, ont accepté d’adopter la Déclaration universelle des droits de l’homme. Aujourd’hui, il ne faudrait pas croire qu’un recul est impossible et qu’un recours à une certaine forme de barbarie ne nous guette pas.

Pierre Jobin

Pour devenir membre de la Ligue des droits et libertés : https://portail.liguedesdroits.ca/fr/devenir-membre/

(1) L’expression « droits de l’homme » nous écorche les oreilles à une époque où nous préférons parler de façon plus inclusive des droits de la personne.

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