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En finir avec la pauvreté

durée 4 décembre 2022 | 09h00
Pierre Jobin
duréeTemps de lecture 3 minutes
Par
Pierre Jobin

Berri-Uqam, un long corridor à traverser jusqu’au métro. Dès l’entrée, une jeune fille, assise par terre, tend la main pour quelques pièces de monnaie. Un peu plus loin, le même itinérant qu’hier soir est recroquevillé sur lui-même. Il n’a plus son verre de carton devant lui pour récolter la monnaie. Arrivé aux portes du métro, un jeune homme m’aborde. Je lui donne un dollar. Il en demande un autre. Pourquoi pas?

Avant de partir de l’hôtel, j’ai fait une provision de monnaie. Je me demande si j’en ai pris assez. Un peu plus tard, alors que j’attends mon épouse qui est dans la file pour acheter des billets de métro, je vois un vendeur de la revue L’itinéraire. Je m’approche pour lui acheter un exemplaire. Il veut me rendre la monnaie de mon billet, mais je lui dit de la garder. En lui achetant un exemplaire, j’ai comme le sentiment de contribuer à un projet. Avec les autres, j’ai simplement l’impression de prolonger la misère. Je sais, ce n’est pas exactement cela. Mais je peste au dedans de moi en pensant que nous n’avons pas d’autre plan à leur offrir que la sollicitude de quelques passants qui au mieux vont leur offrir quelques pièces de monnaie. J’ai bien quelques cartes repas avec moi à offrir, mais je suis encore dans le mode dépannage tout comme les refuges d’un soir où il faut montrer patte blanche pour pouvoir espérer passer une nuit au chaud.

J’ai malgré tout peur de manquer de monnaie. Je n’ai pas appris à fermer les yeux, à faire semblant de ne pas voir, à changer de trottoir. Et je sais bien au fond de moi que je ne pourrai pas soulager toute la misère du monde.

Dans les grandes villes, la pauvreté, par le visage de l’itinérance, se fait plus visible. Dans nos petites communautés, elle a appris à se faire discrète. Cette pauvreté n’a pas toujours le visage hideux de la misère. Elle n’en est pas facile à vivre pour autant.

D’ici quelques jours, je vais aller chez Moisson Kamouraska chercher des paniers de Noël pour des membres de ma communauté. Je sais que cela va amener un peu de bonheur et de joie en cette période des fêtes. Mais en même temps, j’ai de la difficulté à me débarrasser de cette idée que je contribue à mettre un bandage sur un cancer.

N’avons nous rien de mieux à offrir que cette générosité saisonnière ? Alors, malgré la conviction qu’il faut tenir cette opération paniers de Noël, je peste encore au dedans de moi. Je rage devant la pauvreté de nos moyens.

Car j’ai la conviction de cette pauvreté et cette misère est le symptôme que notre société est malade. Bien avant d'être le résultat d’une responsabilité personnelle, la pauvreté est l’indicateur que notre société et son économie fonctionnent mal. La persistance de la pauvreté et de la misère est l’expression d’un problème socio-économique, le résultat  d’un manque de volonté politique.

Cette phrase de Louise Michel écrite en 1871 est toujours malheureusement d’une grande actualité « S’il y a des miséreux dans la société, des gens sans asile, sans vêtements et sans pain, c’est que la société dans laquelle nous vivons est mal organisée. On ne peut pas admettre qu’il y a encore des gens qui crèvent la faim, quand d’autres ont des millions à dépenser en turpitudes. C’est cette pensée qui me révolte. »

La persistance de la pauvreté est un scandale.

commentairesCommentaires

1

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  • ÉV
    Éliane Vincent
    temps Il y a 1 an et 4 mois
    Encore une fois, votre pensée rejoint la mienne. Il y a longtemps que je suis persuadée que le système capitaliste est en fin de vie : les inégalités ne cessent de croître et on sent que le temps approche – il est déjà là pour plusieurs qui triment au salaire minimum – où la force de travail des gens ordinaires ne suffira plus à leur assurer une vie décente, même avec deux salaires par ménage.

    Comment insuffler assez de compassion et de générosité dans les cœurs humains pour compenser l'immonde avidité qui mène le monde depuis qu'il est monde? Je pense que c'est une mission impossible, et on n'a pas fini de poser des bandages sur les plaies à vif.

    Je reprends votre conclusion à mon compte : la persistance de la pauvreté est un scandale.