Dans son passé de reporter, le plus célèbre de tous, Tintin, n’a jamais visité le Québec dans ses albums. Et pourtant, ce jeune héros de bande dessinée à la houppette blonde créé par Hergé y a connu un succès phénoménal. Plusieurs journalistes lui vaudraient même leur choix de carrière, comme le pense Marie-Claude Ducas, journaliste et auteure native de Saint-Pacôme.

Marie-Claude fait partie du documentaire de Jean-Philippe Duval et de Benoit Godbout consacré à Tintin qui sera diffusé à Télé-Québec ce lundi 8 septembre à 21 h. Elle nous parle ici de sa relation avec Tintin.

À quand remonte cette histoire d’amour entre toi et Tintin?

À… d’aussi loin que je me souvienne.  Mon père me lisait des Tintin avant même que je ne sache lire moi-même.

Quel est l’album qui t’a marqué le plus?

Je dirais qu’il y en a deux. J’ai un faible pour “Coke en stock”. Je pense que c’est un des premiers albums qu’on m’a lus, justement. Et aussi, à cause des sujets qui sont encore tellement actuels: les coups d’État, les pouvoirs occultes, le trafic d’armes,  et d’esclaves… avec Rastapopoulos, qui émerge vraiment là comme le méchant suprême. Et puis, il y a Les Cigares du Pharaon. Parce que, c’est l’antichambre du Lotus Bleu, que tout le monde reconnaît comme le chef d’oeuvre d’Hergé. Et que, les premières cases concentrent tout ce qui résume l’attrait des Tintin: un paquebot qui vogue sur la mer, puis une carte géographique. Avec des noms exotiques, que je voyais pour la première fois: Port-Saïd, Bombay, Singapour, Hong-Kong, Shanghaï… La fascination pour les voyages que Tintin peut faire naître, c’est vraiment là qu’on la retrouve.

Tu as écrit sur ton blogue qu’une bonne partie des journalistes francophones sont devenus journalistes à cause de Tintin, c’est aussi ton cas?

Oui, tout à fait. C’est sûrement dans Tintin que, pour la première fois, j’entendais parler de quelqu’un qui était journaliste, que je voyais le mot “journaliste” ou “reporter”. Et tout ce qui allait avec: partir à l’aventure, faire des découvertes, combattre l’injustice…. Évidemment, par la suite, je me suis rendue compte qu’en étant journaliste, il fallait aussi écrire des articles. Là-dessus, je me suis un peu fait avoir! Et je ne suis sans doute pas la seule…

Tintin fascine encore aujourd’hui, pourtant, il est demeuré fidèle à son époque. Comment expliquer cela?

Je pense que c’est parce qu’on y retrouve, en filigrane, les grands enjeux du 20ième siècle: l’invasion de la Chine par le Japon (Le Lotus Bleu);  les conflits entre « républiques de bananes » d’Amérique du Sud, financées par de grandes puissances coloniales (dans L’Oreille cassée, Tintin et les Picaros); les conflits dans les Balkans, sur fond de Guerre mondiale, puis de Guerre froide (Le sceptre d’Ottokar, L’affaire Tournesol); la mondialisation des conflits, assortie de la montée de puissances économiques pas toujours au-dessus de tout soupçon (Tintin au pays de l’or noir, Coke en stock. C’est lié à l’histoire mondiale. Et, il y a certains de ces enjeux qui restent très actuels.

Tintin a-t-il eu une réelle influence chez ses lecteurs ?

Oui. Il suffit de regarder le documentaire pour s’en rendre compte! Avec des gens comme Michel Tremblay, Claude Legault, Yves Jacques qui expliquent comment Tintin leur a ouvert des horizons; Yves Pelletier (ex-RBO), et Claude Meunier , qui parlent de l’humour qu’on retrouve dans Tintin. Et des auteurs de bandes dessinées comme Michel Rabagliati et Réal Godbout, qui ont clairement été inspirés par l’oeuvre d’Hergé

Tintin intéresse-t-il les jeunes d’aujourd’hui ?

Peut-être pas tous, mais encore beaucoup, oui. Encore une fois, on le voit bien dans le documentaire. On voit les enfants de cette école primaire qui, c’est visible, connaissent Tintin et l’apprécient encore. Il y a des enfants des personnes interviewées… don’t mon fils, Étienne, qui est un grand amateur de Tintin.

Comment et pourquoi as-tu été contactée par Télé-Québec pour faire partie du documentaire?

À cause d’un billet de blogue que j’avais écrit en décembre 2011, au moment de la sortie du film, et où je parlais de tout ce que nous devons à Tintin… à commencer par l’envie d’être journaliste, et l’envie de voyages. Je l’ai d’ailleurs repris ici en début d’année, au moment des 85 ans de Tintin: http://blogues.journaldemontreal.com/marieclaudeducas/television/tintin-cest-de-sa-faute-si-je-suis-journaliste/

Sans briser de punch, de quoi parles-tu?

J’explique que beaucoup de journalistes, francophones en tout cas, le sont devenus à cause de Tintin. Et comme, tout de suite après moi, on entend Jean-François Lépine parler du fait qu’il avait les images du Lotus Bleu en tête quand il est arrivé comme correspondant en Chine, il semblerait que je ne me sois pas tellement trompée…

Tintin est encore important pour toi?

Je m’aperçois qu’une influence comme ça, ça reste… J’ai beaucoup lu sur Hergé par la suite: biographies et ouvrages divers, livres qui évoquaient l’époque, etc.   Et puis, j’ai toujours du plaisir à relire des Tintin de temps à autre…

Es-tu collectionneuse? Est-ce que son calendrier orne le mur de ton bureau et ses figurines les rayons de ta bibliothèque?

Je ne suis pas une maniaque comme il y en a certains, qui collectionnent les figurines, les gadgets de toutes sortes, les premières éditions, les affiches, etc. Mais j’ai plusieurs ouvrages lies à Tintin: biographies, recueils de témoignages, et aussi des publications du genre: “Les vrais personnages de Tintin dans l’histoire”.

Et puis cet été, comme on passait en France dans la région de la Loire, nous avons bien sûr visité le château de Cheverny, qui a servi de modèle pour celui de Moulinsart…

Collaboration : Maurice Gagnon, leplacoteux.com