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Assurance-emploi : le parcours laborieux d’un projet de loi  

durée 1 avril 2022 | 06h53
  • Marc-Antoine Paquin
    Par Marc-Antoine Paquin

    Journaliste

    L’appareil législatif canadien est un paquebot qui ne tourne pas facilement et qui ne se déplace pas à toute vitesse. Et même si une partie de l’équipage est parfois prête à collaborer pour opérer un changement de direction, c’est le capitaine et ses premiers officiers qui ont le dernier mot sur la destination et l’heure d’arrivée. 

    Cette image n’est peut-être pas 100 % adéquate, mais elle semble néanmoins représenter en partie ce qui se déroule actuellement sur la colline parlementaire d’Ottawa avec le projet de loi C-215 visant à modifier la Loi sur l’assurance-emploi maladie pour que les personnes atteintes de maladies graves reçoivent jusqu’à 52 semaines d’assurance-chômage.

    La limite actuelle des prestations est fixée à 15 semaines, puis devrait s’étirer à 26 semaines au courant de l’été, ce qui n’est toujours pas suffisant, martèlent les députés de l’opposition. 

    Parrainé et appuyé par les conservateurs Jacques Gourde et Bernard Généreux, le projet de loi C-215 a été déposé et présenté en première lecture en décembre, avant de faire l’objet d’une deuxième lecture et d’un débat, ce mercredi 30 mars. Les députés conservateurs, néodémocrates et bloquistes ont alors parlé d’une voix commune pour pousser le gouvernement en place à agir le plus rapidement possible. 

    «Il n’y a que les Libéraux qui ne semblent pas comprendre. Ils ne se sont pas engagés à voter contre, ce qu’il faut souligner, mais ils ont évoqué des préoccupations. Pourtant, ils ont déjà voté pour un projet de loi similaire lorsqu’ils étaient dans l’opposition», s’insurge le député de Montmagny-L’Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup, Bernard Généreux, qui a profité de son droit de parole pour partager la réalité de citoyennes de la région à travers leur combat contre la maladie. 

    «Chez les conservateurs, c’est vrai, ç’a pris 10 ans pour faire évoluer les choses au sein du parti […] mais nous sommes maintenant d’accord que c’est une mesure compatissante, qui touche la famille et qui vient chercher nos valeurs, partage-t-il. Ce n’est pas une question d’être de gauche ou de droite, c’est une question de sensibilité envers les personnes malades et vulnérables.» 

    UNE ÉTAPE À LA FOIS

    Même si la majorité des parlementaires marchent main dans la main pour une rare fois, la suite n’est pas simple. Plusieurs autres étapes devront être franchies, avant qu’il y ait une possible implantation de la loi. Il y aura le vote de la deuxième lecture (en juin), puis une étude de comité et un rapport (à l’automne), avant une troisième lecture, une autre étude et l’adoption par le Sénat.

    Tout cela pour arriver au point final : l’octroi de la sanction royale, une étape déterminante qui, pour être franchie, demandera l’appui du gouvernement, ou du moins, de quelques ministres. 

    Il faudra ainsi compter des mois avant de savoir si, oui ou non, les prestations de l’assurance-chômage, en cas de maladie grave, se poursuivront au-delà des 26 semaines annoncées par le gouvernement Trudeau dans son budget 2021.

    «C’est vrai que c’est lourd, très lourd, concède Bernard Généreux au sujet du processus législatif fédéral. Mais quand on veut, on peut. Un projet de loi peut être adopté en quelques jours seulement avec de la volonté politique. Actuellement, ce n’est toutefois pas une priorité du gouvernement.» 

    «Les Libéraux amplifient aussi la problématique, poursuit-il. Ils croient ça va couter beaucoup plus cher que les estimations du Directeur parlementaire du budget, selon lesquelles l’incidence fiscale de prolonger de 15 à 50 semaines serait de l’ordre de 1,3 milliard $ en 2025. Ils craignent également des abus, comme si les personnes atteintes de cancer, majoritairement des femmes, souhaitent profiter du système, alors que ce sont les médecins qui dictent la durée de l’absence au travail. Ils n’ont simplement pas d’arguments.»  

    Selon les chiffres qu’il a présentés en Chambre des communes mercredi, ce milliard de dollars se traduirait par une augmentation de 6 cents à la contribution habituelle de l’employé qui est de 1,62 $ par tranche de 100 $ de rémunération assurable. 

    MARIE-HÉLÈNE DUBÉ GARDE ESPOIR

    Le projet de loi C-215 est le quatorzième à être déposé sur la question, depuis que la Louperivoise Marie-Hélène Dubé a engagé son combat pour faire changer les choses en 2009. Ce n’est pas non plus la première fois que l’un des projets de loi atteint la 2e lecture avant qu'il soit refusé ou «mort au feuilleton». C’est essentiellement ce qui est arrivé au dernier projet de loi porté par le Bloc Québécois lors du déclenchement des élections. 

    Elle ne cache pas que la lourdeur du processus parlementaire est frustrante et que c’est encore le cas aujourd’hui. «Je ne comprends pas où est le problème, lance-t-elle. Ç’a été démontré plus d’une fois que les besoins sont majeurs. Les gens sont aussi majoritairement d’accord à cotiser davantage. Alors, il est où le problème? Ça ne fait aucun sens. Il faut que ça devienne une priorité.»

    Celle qui est l’instigatrice de la plus importante pétition au pays - laquelle a récolté plus de 618 000 signatures - garde cependant espoir et souhaite s’accrocher au positif. «Ce qui est intéressant cette fois-ci, c’est que le temps que nous avons va nous permettre de ramener ce dossier à l’avant-plan, de continuer à le travailler et de rappeler aux gens que le combat n’est pas terminé, puisqu’on ne craint pas de nouvelles élections avant quelques années.»

    «Ça va aussi permettre de prendre le pouls, de parler à un élu, à un autre. Ça va ouvrir des opportunités», souligne-t-elle, précisant compter sur de nombreux alliés, dont Louis Sansfaçon, le père d’Émilie qui a participé au combat avant d’être emportée par le cancer. 

    Bernard Généreux admet lui aussi que les prochains mois permettront aux élus de faire avancer le dossier. Il assure d’ailleurs que le Parti conservateur ne lâchera pas le morceau.

    Selon lui, seule l’étape de la «sanction royale» pourrait poser problème, mais il n’écarte pas que des discussions pourraient être entamées avec le gouvernement en poste. Il rappelle aussi qu’une sanction royale a été obtenue récemment pour un projet de loi déposé par le député conservateur Larry Maguire. «On veut amener de la pression sur le gouvernement et les membres du conseil des ministres», dit-il. 

    Il reste cependant lucide : il faudra encore être patient avant le bateau arrive à bon port, puisque les étapes permettant l’implantation de la nouvelle loi ne pourront pas être franchies avant 2023.  


     

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