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Entre pandémie et guerre, cultiver la bienveillance

durée 27 mars 2022 | 06h57
  • François Drouin
    Par François Drouin

    Directeur de l'information, journaliste

    En mars 2020, à l'instar de bien des nations, le Québec s'est fermé, isolé du monde. D’éphémères arcs-en-ciel ont illuminé nos fenêtres comme une promesse de jours plus heureux avant de rapidement pâlir. Après deux ans d'une profonde usure pandémique, alors que la 5e vague de COVID-19 s'est essoufflée, une brise d'optimisme s'est mise à ragaillardir nos humeurs. Mais voilà que la guerre insensée que mène la Russie en Ukraine vient assombrir cette perspective d’un printemps vivifiant.

    Le Dr Jean-François de la Sablonnière, médecin psychiatre au Centre hospitalier régional du Grand-Portage, pose un regard lucide. Ce qu'il observe dans sa pratique, c'est que la santé mentale des Québécois est mise à mal avec cette nouvelle période anxiogène. «On a tous perdu quelque chose de l'ordre d'un équilibre qui nous permet d'avancer et d'avoir de la résilience. Perdre cette capacité à se changer les idées, c'est calamiteux. Nous sommes tous déjà au bout du rouleau.»

    Depuis deux ans, les Québécois doivent jongler entre la crainte d'un virus et le respect des mesures sanitaires strictes et controversées comme le couvre-feu. La guerre, l'inflation, l’impôt, le prix de l'essence à la hausse, la future hausse des tarifs d’Hydro-Québec, la rareté des logements et leurs prix prohibitifs ainsi que la pénurie de main-d'œuvre viennent s'ajouter à une humeur déjà fragilisée. Tous ces facteurs de stress renforcent une situation déjà anxiogène.

    Ce ras-le-bol s’illustre aussi dans la perte d'un sens civique, note Jean-François de la Sablonnière. Les échanges acerbes, tant sur les réseaux sociaux que dans les relations humaines directes, ont donné droit à des passes d'armes tantôt entre internautes, entre collègues, entre amis et parfois au sein d'une même famille. Le tableau actuel, on s'en doute, tient plus du célèbre Cri du peintre Edvard Munch que du doux jardin de Normandie de Claude Monet. À l’image du personnage au visage trituré de l’expressionniste norvégien, le Dr de la Sablonnière l’admet, sa pratique clinique n’est pas épargnée alors que les manifestations d’appels à l’aide sont plus nombreuses.

    BIENVEILLANCE ET MAINS TENDUES

    Lorsqu’on lui demande s’il existe une solution pour alléger le climat actuel, Jean-François de la Sablonnière réplique qu’elle est déjà toute trouvée. «Après deux ans, c’est normal d’éprouver une certaine fatigue, un épuisement qui nous fait voir le verre à moitié vide. La solution c’est de résister, de sourire. En étant conscient, on est capable de solliciter en soi la bienveillance pour en sortir. Je suis convaincu que ce qui nous permet de grandir comme humain c’est par la bienveillance et la compassion. C’est avec ça qu’on transcende des situations comme celle que nous vivons en ce moment.»

    Il pointe notamment les étiquettes qui pullulent depuis deux ans. Complotistes pour les uns, sanitaristes pour les autres, covidiots ou encore moutons, ces quolibets, explique le médecin, sont des étiquettes qui n’ont aucune bienveillance et contribuent non seulement à diviser, mais à augmenter la morosité ambiante. Une division qui a contribué à l’essor de certains leaders antimesures sanitaires proches de mouvances de l’extrême droite.

    «On doit se réapprivoiser, et ceux qui se dressent au-dessus de la mêlée ont cette responsabilité sociale de bienveillance sociale envers les autres. Ce n’est pas en lançant des noms ou en accroissant leurs peurs que nous en sortirons grandis comme société. C’est à nous de faire un pas vers eux, de les accueillir sans porter de jugement.»

    Le secret se trouve donc dans l’ouverture de l’autre, non pas dans un échange d’argumentaires, mais dans la façon de l’accueillir. «Il faut créer un espace pour dialoguer, sans juger, créer un espace où il peut penser en votre présence, ce qui ne vous oblige pas à lui donner raison ou à penser comme lui», rappelle le Dr de la Sablonnière.

    Avec l’arrivée du printemps, à l’heure où certains planifient déjà leurs semis, il est peut-être temps, suggère le psychiatre, de cultiver un essentiel, quelque chose comme la bienveillance.

     

     

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