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Des logements refusés parce qu’elles ont des enfants 

durée 2 octobre 2021 | 06h32
  • Marc-Antoine Paquin
    Par Marc-Antoine Paquin

    Journaliste

    «Quand ce n’est pas à cause du prix, c’est la présence des enfants qui rend difficile la recherche d’un appartement. Certains propriétaires n’en veulent tout simplement pas.» Cette phrase d’une mère de famille de Rivière-du-Loup semble tout droit sortie d’une fiction de mauvais goût, mais au contraire, elle illustre une réelle discrimination vécue – et dénoncée – dans le contexte actuel de rareté de logements. 

    Jovette Levasseur est catégorique. Le fait qu’elle soit mère de quatre enfants, dont une a des besoins spéciaux liés à un handicap, de surcroît, a nui considérablement à sa recherche d’un logement pour sa famille entre 2019 et 2021. Certes, l’espace disponible était une préoccupation réelle, mais c’était la présence même des jeunes qui a souvent fait défaut. 

    «C’est vraiment une réalité», a-t-elle partagé lors d’un entretien la semaine dernière. «C’est comme ça depuis plusieurs années. Peu après mon arrivée à Rivière-du-Loup, en 2014-2015, j’avais regardé pour quelque chose de plus récent. Mais aussitôt que je disais que j’avais des enfants, ça échouait, ça créait des problèmes.»

    Le phénomène n’est pas nouveau, mais les témoignages de parents dans les grands médias de la province, ces derniers mois, tendent à illustrer que la problématique s’est accentuée avec la crise du logement qui gagne le Québec. La demande pour des appartements étant beaucoup plus importante que l’offre, les propriétaires ont le loisir de procéder à un tri discriminatoire parmi les candidats intéressés à loger chez eux. 

    Or, cette pratique est illégale. La Charte des droits et libertés de la personne interdit la discrimination, entre autres dans le domaine du logement. «Cela veut dire qu’on ne peut refuser de louer un logement à une personne sur la base des 14 motifs énumérés à la Charte, dont l’âge et l’état civil, ce qui inclut le fait d’avoir des enfants», précise Meissoon Azzaria, coordonnatrice aux communications à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), par courriel. 

    La situation est telle que la CDPDJ a lancé une campagne de sensibilisation intitulée «À louer sans discrimination». Dans une vidéo au ton sarcastique, on explique que «louer un logement n’est pas faire passer une audition» et qu’un propriétaire ne peut pas «sélectionner des locataires en fonction de ses caractéristiques personnelles comme l'âge, la présence d'enfants ou l'origine ethnique ou nationale». 

    La Commission ajoute que lorsqu’un propriétaire diffuse une politique qui, sans interdire la présence d’enfants, établit qu’un 4 1/2 ne peut être occupé par plus de deux personnes, il s’agit aussi de discrimination, même si c’est user d’un moyen indirect.  

    «À Rivière-du-Loup, j’ai écrit à une propriétaire pour un 5 ½. C’était indiqué pour personne seule ou couple tranquille. Je l’ai contactée, expliqué ma situation. On m’a rapidement fait comprendre que ça ne correspondait pas à ce qu’on cherchait et que je devais poursuivre recherches», partage une maman qui a demandé de garder son anonymat, soulignant que le logement en question est resté sur le marché plusieurs jours, voire quelques semaines.   

    Elle raconte avoir tenté de dénicher un appartement pour sa famille entre mars et juillet 2021. Pendant des mois, elle a été contrainte de vivre dans le logement d’un ami qui a, avec beaucoup de cœur, accepté de la dépanner. Elle a finalement quitté la région de Rivière-du-Loup pour le Témiscouata dans les dernières semaines. 

    «Les personnes seules n’ont pas besoin d’habiter un 5 ½, surtout quand des familles envisagent de quitter la région puisqu’elles ne trouvent pas où se loger. Ça ne devrait pas être possible. Mes enfants, ils sont plus vieux. Ils ne font pas de bruit la nuit, ils font de la bicyclette et ils jouent aux jeux vidéos», déplore-t-elle. 

    Jovette Levasseur a elle aussi constaté que des propriétaires ne cherchaient pas d’enfants pour éviter différents problèmes. «Certains propriétaires nous disent qu’ils sont pris là-dedans. Ils disent qu’ils ont d’autres locataires qui risquent de se plaindre, que ces gens-là pourraient quitter à leur tour, et que ça pourrait leur causer des problèmes pour louer par la suite. Je peux comprendre leur point de vue, mais il y a tellement de besoins», note-elle.

    «Ça prendrait vraiment plus de logements pour les familles.»

    PEU DE RECOURS

    Bien que la situation soit frustrante et injuste, peu de recours s’offre au locataire victime d’une discrimination. Sa seule option reste la Commission [des droits de la personne et des droits de la jeunesse et d’y effectuer une plainte. Elle ne pourra pas forcer le propriétaire à louer son logement, mais après de longues procédures judiciaires et un gain de cause au Tribunal des droits de la personne, une indemnité pourrait être octroyée à la victime. 

    En 2012, une juge du Tribunal a condamné une propriétaire à verser la somme de 6 000 $, en dommages moraux et punitifs, à une mère de famille à qui on avait refusé un logement parce qu’elle avait deux enfants. 

    >> À lire aussi : 

     

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