Incendie du Havre: Roch Bernier et Irène Plante témoignent
Rivière-du-Loup - Roch Bernier a eu de la difficulté à justifier le fait qu'une seule personne était responsable de l'évacuation des 52 résidants de la Résidence du Havre de L'Isle-Verte en cas d'incendie. À la question de la procureure Me Marie Cossette, il a avoué, à la surprise générale, qu'un seul employé n'était pas équipé pour faire face à une situation de ce genre.
Proactif sur les questions concernant la sécurité incendie, M. Bernier avait pourtant tenté d'expliquer que tous les employés savaient ce qu'ils devaient faire. «C'était bien affiché.» La première chose à faire en cas d'alarme était toujours d'aller réveiller Mme Plante, la copropriétaire.
«Est-ce que ce n'est pas perdre des minutes précieuses que d'aller réveiller quelqu'un dont la chambre se trouve à l'autre bout de la résidence ?», a demandé Me Cossette ?
«C'était plus facile de procéder à l'évacuation à deux personnes. Une seule n'était pas équipé' pour faire face à une situation de ce genre», a dit celui qui a acheté la résidence en 1999.
2 $ DE L’HEURE
Il a engagé Bruno Bélanger comme gardien de nuit en 2010 et n'a que de bons mots à son endroit.
«Il était attaché aux résidants et poli.» M. Bélanger a suivi la formation de préposé et travaillait de 16 h jusqu'au matin suivant.
Cet emploi n'était pas très payant à la Résidence du Havre. Guylaine Larrivée, qui avait postulé, a dit au commissaire s'être fait offrir un salaire de 2 $ l'heure. Le propriétaire lui a dit que cet emploi n'était pas difficile, qu'il n'y avait rien pour s'énerver, qu'elle pouvait relaxer ou s'assoupir. Elle a dû avouer devant l'insistance du commissaire Delage que Roch Bernier lui a dit qu'elle pouvait même dormir.
JAMAIS PARTICIPÉ À UN EXERCICE D’ÉVACUATION
Bruno Bélanger a été formé comme préposé, mais n'avait jamais participé à un exercice d'évacuation. «Il travaillait de nuit, c'est probablement à cause de ça qu'il ne voulait pas. Je n'ai pas exigé sa présence lors des exercices d'évacuation. J'avais le pouvoir, oui, mais ce n'est pas toujours facile de le faire accepter par les employés».
Malgré la consigne, personne ne devait se rendre à l'autre bout de la résidence pour aller prévenir Mme Plante lors des exercices d'évacuation qui, réalisés en plein jour et avec deux employés, arrivaient à peine à se dérouler dans les délais légaux prévus pour assurer la sécurité.
UN EMPLOYÉ NERVEUX
M. Bélanger avait déjà réagi de manière très nerveuse lors d'une fausse alarme. Il avait dit à son patron que ce serait épouvantable si ça arrivait vraiment, qu'il était content que ce soit une fausse alarme parce qu'il ne savait pas ce qu'il aurait fait.
«On l'a rassuré pour qu'il reste calme». La nervosité est du reste le seul point négatif que M. Bernier a souligné du travail de M. Bélanger. Ce dernier savait qu'en cas d'incendie c'était le préposé, donc lui, qui était responsable de commencer l'évacuation.
M. Bernier affirme avoir demandé à la MRC de faire un plan spécifique en cas d'alarme incendie à la Résidence du Havre.
«Je voulais que les pompiers de L'Isle-Verte et des municipalités environnantes se rendent sur place tout de suite. Il y avait une guerre de clocher envers l'administration municipale et M. Charron (le chef pompier). Mais M. Charron était entièrement d'accord avec ma requête».
«ROCH, TU T'EN VIENS, Y'A LE FEU!»
Le soir du drame, Irène Plante a contacté Roch Bernier vers 0h29.
«Roch, tu t'en vient, y'a le feu!» M. Bernier est arrivé à 0h41. «Le seul pompier que j'ai vu est Yvan Charron. Il y avait de la fumée au-dessus de la cuisine et des flammes autour de la porte patio de la chambre au-dessus (celle de Paul-Étienne Michaud). Il n’y avait pas de fumée ou de flammes qui sortaient de la hotte de la cuisine.»
M. Bernier est resté dans sa voiture, voulant absolument identifier d'où provenait l'incendie. Il est ensuite aller fermer la génératrice et a tenté d'entrer. «C'était noir de boucane dans le lobby. J'ai constaté que la porte 3 était verrouillée.»
OÙ EST LA CLÉ?
«Vous aviez la clé de la porte 3?», a demandé Me Cossette?
«Elle était dans mon bureau».
Parce qu'en cas d'alarme, toutes les portes se déverrouillaient automatiquement, sauf la porte 3. «La première chose à faire est de la déverrouiller.» Ce soir là, ça n'a pas été fait. Cette porte était munie d'un système de code pour empêcher les personnes souffrant d'Alzheimer ou d'un autre trouble cognitif de sortir sans que le personnel s'en rende compte.
M. Bernier a expliqué que l'évacuation se faisait à l'horizontale: il fallait faire passer les résidants de la phase 1, non-giclée, à la phase 2, giclée et sécurisée. «J'ai de la misère à concilier avec la réalité que si ça arrive en pleine nuit, on pourra évacuer à un, alors que lors des exercices de jour, ça se faisait à peine dans les délais à deux», a souligné Me Cossette.
Plus tard, le procureur Hardy soulignera qu'en 2011, 26 des 52 résidants avaient besoin d'aide pour évacuer, étaient codés rouge (9) ou jaunes (17). Il a souligné que les exercices d'évacuation avaient tous eu lieu de jour, avec au moins deux personnes. Qu'il n'y en a jamais eu de nuit.
«Monsieur le procureur, essayez de faire un exercice d'évacuation en hiver, en pleine nuit, avec des personnes âgées, à -35 sous zéro et vous me rappellerez», a commenté le commissaire Delage.
IRÈNE PLANTE TÉMOIGNE
Appelée à la barre, Irène Plante a indiqué que son rôle de coordonnatrice adjointe consistait d'abord à savoir d'où provenait l'alarme, pour s'assurer que ce n'était pas une fausse alarme. Elle dit être en relation de couple avec Bruno Bélanger depuis deux ans. Il lui a mentionné avoir vu de la fumée qui sortait de la chambre 228, celle de Paul-Étienne Michaud.
Le soir du sinistre, elle s'était couchée à 11h45. Elle a été réveillée par le téléphone, puis a entendu les quatre portes coupe-feu se fermer l'une après l'autre. L'alarme a sonné. Quelques minutes plus tard, elle entend frapper à sa porte. Elle ouvre et voit Bruno Bélanger paniqué, les lèvres et le dessous du nez noir.
«Il dit qu'il y a le feu et que de la fumée sort de chez monsieur Paul-Étienne». Elle affirme qu'elle prend le relais et appelle Roch Bernier tout de suite après avoir appelé le 911, vers 0h29. Elle sort par l'escalier de son appartement, va à l'entrée de la cuisine, fige parce que tout est noir de fumée et craint que la bonbonne de propane explose.
Elle va à la porte numéro 3 et constate qu'elle est barrée.
«Aviez-vous la clé?».
«Oui».
«Vous auriez pu débarrer la porte principale?»
«Oui», dit-elle.
Elle ajoute qu'elle n'y a pas pensé à cause de la nervosité. Plus tard, elle affirmera qu'elle a bien tenté de débarrer la porte avec une clé, mais à cause du stress, elle a inséré la clé de la porte 3 intérieure, dans la porte 4 extérieure, qui n'était pas verrouillée et qui, évidemment, ne correspondait pas. Elle a donc cru que la serrure était gelée. Elle est revenue sur ses pas, a vu monsieur Morin tomber de son balcon, l'a ramassé, l'a mis dans une voiture, puis est remontée dans son appartement pour appeler de nouveau le 911.
«Comment je peux concilier votre témoignage que c'était noir de fumée dans le passage et qu'on ne voyait rien, à celui du pompier dit avoir fait des évacuations sans appareil respiratoire jusqu'à 0h55?», a demandé Me Cossette.
«C'est ce que j'ai vu», a répondu Mme Plante, qui situe l'embrasement général à 0h50. Selon elle, lorsque les pompiers sont arrivés à 0h40, le feu était toujours contenu à l'appartement 208.
5 commentaires
On a déjà dit que M. Bernier avait demandé un plan d'urgence à la municipalité (depuis quand doit-on faire un "plan d'urgence" pour un bâtiment résidentiel???), là on rapporte qu'il a demandé un plan spécifique à la MRC (est-ce son rôle, sais pas...), on a déjà écrit ou dit que la municipalité respectait ou ne respectait pas son schéma de couverture incendie, alors que c'est plutôt les MRC qui ont un tel document. Au secours! Démêlez-vous ou démêlez-nous !!!
Il est temps que des mesures de sécurité soit misent en place.