Bas les masques

Pierre Lachaîne
Bas les masques!
Que d’émotions… Que de questionnements… Nous sortons d’une campagne fédérale menée à un rythme soutenu. La campagne la plus courte permise par la loi, 36 jours. Quelques mois avant le déclenchement des élections, les conservateurs jouissaient d’une confortable avance de plus de 25 points dans les sondages et pouvaient compter sur des coffres bien remplis, plus de 82,5 millions de dollars. Bref, ils étaient prêts pour la guerre, prêts pour en finir avec les libéraux au pouvoir depuis trois mandats. Prêts pour tailler en pièces l’équipe de Justin Trudeau, prêts surtout à lui faire la peau. Mais ce n’est pas ce qui est arrivé.
Justin Trudeau a remis sa démission à la tête du Parti libéral et par la suite comme premier ministre. S’en suivit une course à la chefferie remportée aisément par Mark Carney, devenu depuis, premier ministre.
Comme après toutes les campagnes électorales, les gagnants jubilent et les perdants pansent leurs plaies. Une campagne à saveur particulière puisque la question de l’urne était orientée du côté sud. Une campagne où notre puissant voisin et surtout son président imprévisible semblait dicter la marche à suivre ou du moins la teneur des débats. Les analystes prévoyaient une marée rouge en raison de la personnalité de Mark Carney, calme et réfléchi. Il a incarné tout au long de la campagne la rigueur du banquier. Ce qu’il fut une partie de sa vie. Les tarifs imposés au Canada par le président Trump ont certainement contribué à créer un climat de peur chez les électeurs. Ajouté à cela le 51e État et nous étions face un délire collectif.
Les gens ont craint de perdre leur emploi, de voir l’économie canadienne s’effondrer et entrer en récession. Se retrouver en chômage avec devant soi un avenir où domine l’incertitude ça désarçonne.
Mais il y avait aussi la menace du 51e État. Le bonheur de payer moins d’impôts est-il aussi festif lorsque l’on envisage l’avenir avec zéro filet social? Nos hôpitaux et nos écoles ont déjà eu meilleure mine, mais nous pouvons encore compter sur des soins de santé gratuits, sur des écoles publiques ouvertes à tous et toutes sans être obligés de s’endetter pendant des décennies.
Par ailleurs et c’est sans doute un point crucial, les Canadiens n’aiment pas les extrêmes. Au Canada, nous sommes centristes, tanguant tantôt à un peu droite, tantôt un peu à gauche sans jamais s’éloigner trop du centre. Or, la campagne conservatrice a été brutale pour ne pas dire irrespectueuse sur le plan du fairplay. Par moment, elle semblait calquée sur l’idéologie MAGA, America first – le Canada d’abord, three strikes you’re out – trois chances et vous êtes en prison et ainsi de suite.
Les électeurs canadiens, femmes et hommes n’ont pas apprécié les démonstrations de force. L’occupation du centre-ville d’Ottawa où le chef conservateur était allé distribuer du café et des beignets est revenue le hanter en quelque sorte. Et c’est très bien ainsi. Si au Canada nous préférons la sauvegarde de nos institutions démocratiques au coup de gueule populiste, eh bien soit!
Cette campagne aura au moins servi à reconnaitre qui sont démocrates et qui ne le sont pas. Heureusement pour la démocratie, le vernis populiste est soluble. Il ne tient pas devant des gens informés et conscients de la valeur des institutions qui constituent notre démocratie. La Fédération canadienne est imparfaite nous en convenons, mais elle constitue encore la meilleure alternative au délire américain. « Le beau risque » disait René Lévesque en pensant à la souveraineté-association.
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