Développement régional : le JAL, 50 ans plus tard
Près de 50 ans après l’élan de solidarité territoriale hors du commun dans les municipalités de Saint-Juste-du-Lac (Lots-Renversés), Auclair, Lejeune, formant le JAL, pour contrer le démantèlement de la région proposé par le gouvernement, le professeur Majella Simard de l’Université de Moncton dresse le bilan de l’héritage de cette époque. Que reste-t-il de cette période de forte cohésion sociale et quel est la situation économique actuelle?
L’auteur, qui détient un doctorat en développement régional, a mis trois ans à élaborer son projet de recherche d’envergure portant sur cette époque charnière pour le développement régional du Témiscouata. Son travail a été publié sous la forme d’un livre intitulé «Le JAL, un demi-siècle de luttes et de débats, bilan et perspectives nouvelles d’une expérience de développement communautaire en milieu rural fragile».
Majella Simard souhaitait revenir sur ce que la communauté retire de cette période 50 ans plus tard, d’une perspective scientifique. Il a relevé une importante quantité d’écrits à propos du JAL, a répertorié les diverses initiatives mises en place par le milieu et les problèmes de la région soulevés par les journalistes entre 1971 et 2015. Il a de plus réalisé une analyse statistique approfondie, suivie d’un mois complet passé sur le terrain. M. Simard a réalisé 17 entrevues de fond avec des gens impliqués dans leur région, des maires et a participé à divers groupes de discussion sur le sujet, question de s’imprégner de l’ambiance actuelle du JAL.
AMÉLIORATION ÉCONOMIQUE
«Je constate d’abord une amélioration du JAL sur le plan économique et un accroissement de sa richesse, notamment avec le développement de l’acériculture. Il fait une valeur d’exemplarité au Québec et se positionne très bien au Témiscouata, notamment avec le Domaine Acer», explique M. Simard. Ce dernier ajoute que l’implantation du parc national du Témiscouata permettra également de poursuivre son développement. Ses impacts ne sont pas encore répertoriés, puisque son ouverture en 2013 est encore récente.
Son projet de recherche l’a amené à répertorier 518 initiatives ponctuelles qui ont contribué de près ou de loin à créer un dynamisme dans la région. «Jusqu’en 1980, les initiatives d’économie sociale étaient très fortes, la culture coopérative était exceptionnelle», souligne le chercheur. Il retient quatre principaux projets qui ont été selon lui porteurs pour le JAL : le cirque social Le Funambule, pour les élèves des écoles primaires de la région, la création d’une piste de BMX grâce à l’initiative du secteur privé, la mise en place du Groupement forestier du Témiscouata et l’ouverture d’un restaurant végétarien à Auclair.
SOLIDARITÉ TERRITORIALE
Bien que la situation économique du JAL se soit améliorée grâce aux diverses implications de la communauté, Majella Simard remarque que le territoire perd peu à peu cette solidarité qui lui a permis de résister au démantèlement proposé par le gouvernement dans les années 1970. «Les gens du JAL se sentent un peu délaissés par les instances gouvernementales supérieures. Dans les années 1990, ils ont été appuyés par les députés et on m’a dit que le travail de Claude Béchard pour la région a été énormément apprécié.»
Il souligne qu’il reste encore beaucoup de travail à faire pour inverser la tendance démographique à la baisse en raison du vieillissement de la population et de l’exode des jeunes, une situation qui n’est pas confinée au JAL et remarquée dans plusieurs régions du Québec.
Le constat de M. Simard à ce sujet est clair. «La population locale ne peut pas infléchir seule la courbe démographique sans une forte volonté politique de repeupler les milieu ruraux et de venir en aide à ces milieux défavorisés. Les regroupements ne sont pas assez appuyés par une politique de développement rural, la même situation s’applique ailleurs au Québec (…) Sans le soutien de l’État, les initiatives de la communautés restent lettre morte». Il souligne d’ailleurs que le problème de démographie est structurel et ne doit pas seulement reposer sur les épaules du milieu.
Le professeur à l’Université de Moncton considère également que le JAL est un milieu avantagé par la qualité de son environnement et sa qualité de vie. Majella Simard estime que le reste du développement du Témiscouata et du JAL repose maintenant entre les mains des décideurs politiques. Ils doivent selon lui mettre en place une politique de développement rural forte pour travailler sur trois fronts simultanément : la démographie, l’aménagement et le développement des communautés. Il est possible de se procurer son livre auprès du Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional de l’Est du Québec de l’Université du Québec à Rimouski.