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Le 19 octobre 2016

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infodimanche

ACTUALITÉ

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De nature discrète et peu encline à parler

d’elle, Johanne Levasseur admet du bout des

lèvres qu’elle aura permis de faire évoluer les

mentalités sur la présence des femmes au sein

des corps de police.

«C’était une époque différente. Il y avait eu

Nicole Juteau à la SQ en 1975, mais 24 ans plus

tard, les femmes étaient encore peu nombreu-

ses. J’ai foncé et ça m’a bien servi, j’ai eu une

belle carrière, vraiment. J’ai eu des collègues

formidables et des rencontres enrichissantes.

C’était un privilège pour moi de porter

l’uniforme, je voulais m’en montrer digne», com-

mente-t-elle.

DÉBUTS

Pourtant, ses premiers pas à titre de policière

se sont fait sous le signe de la résistance.

Résistance de quelques policiers, une minorité

tient-elle à préciser, qui ont refusé de patrouiller

en sa compagnie, mais aussi de sa propre résis-

tance, un refus d’abdiquer.

«Ils ne se sentaient pas en sécurité avec une

femme, mais je ne me suis pas arrêté à ça. J’étais

passionnée et je voulais faire mes preuves, leur

montrer ce qu’une femme peut faire, alors je suis

passée par dessus et rapidement, les mentalités

ont évolué. Ils ont vu de quel bois je me chauffais,

j’ai obtenu leur confiance, et avec le temps, ils ont

appris à me côtoyer et accepter mes différences.

Ça m’a permis d’encore mieux m’intégrer. Nous

étions une famille», lance Johanne Levasseur.

À ses 14 premières années, elle a occupé le

poste de policière-pompière. Autre temps

autre mœurs, à cette époque (pas si lointaine), les

policiers étaient aussi pompiers à Rivière-du-

Loup. «J’ai beaucoup appris, c’était toute

une école. De la manipulation des pinces de dés-

incarcération à l’attaque d’un brasier, j’ai eu la

chance d’avoir des collègues généreux qui lors de

nos gardes de nuit, m’ont formée à titre de

pompière.»

En compagnie de l’agent Pierre Dubé, avec

qui elle travaillera pendant 16 ans et en qui elle

souligne avoir eu une confiance aveugle, Johanne

Levasseur pose alors les pierres sur lesquelles

elle a bâti sa carrière : courage, détermination et

témérité.

Une carrière qui a été riche en anecdotes.

Arrestation d’un homme armé d’un révolver,

réception d’une fameuse lettre à l’anthrax (qui

s’est avéré être une poudre inoffensive), la liste

est longue. Elle est aussi marquée d’incidents tra-

giques que l’ex-policière aborde avec sensibilité.

«On voit beaucoup de choses, trop même.

Au fil du temps, ça devient des photos.» Elle choi-

sit donc avec soin les albums qu’elle souhaite

ouvrir.

MÉTIER

Pour autant, ce n’est pas le métier de

policière de terrain auquel se prédestinait une

jeune Johanne Levasseur, mais plutôt à

l’identification criminelle. «À la base, j’aimais

dessiner et la conception de portraits

-robots m’intéressait. De fil en aiguille, en

apprivoisant le métier, j’ai souhaité être dans

l’action. Les histoires de mon grand-père policier

qu’on me racontait touchaient une corde

sensible.»

L’été, comme pour plusieurs aspirants

policiers, Johanne Levasseur a donc débuté

à titre d’agente de stationnement. À sa

troisième année, face à un manque

d’effectif, le service de sécurité l’a même

nommé agente spéciale. Elle s’est donc retrou-

vée non armée, en patrouille avec de véritables

policiers.

Si en 27 ans de métier, il lui est arrivé de

dégainer son arme, elle se félicite encore de

n’avoir jamais eu à en faire usage. A-t-elle eu des

regrets ? Un seul, celui de ne pas avoir pu aider à

accoucher. «Dans ta carrière, tu vas être appelé à

sauver des vies de différentes façons. Mais celle-

là, c’est quelque chose de grand, un beau cadeau

de la vie.»

Et la critique ? «Souvent, la critique n’est pas à

l’endroit du policier, mais plutôt de la

fonction elle-même, de l’uniforme. Il y a des

exceptions, mais en général, si tu es exemplaire,

que tu travailles dans le respect des règles

et des gens, les critiques sont beaucoup plus

superficielles, ce sont des clichés. Plusieurs ont

compris que la clip de 15 secondes qu’on voit aux

nouvelles ou sur Facebook ne représente pas la

réalité.»

AGENTE COMMUNAUTAIRE

Pour plusieurs Louperivois, Johanne Levasseur

est avant tout l’agente communautaire croisée à

l’école, dans un centre pour personnes âgées ou

encore dans un des nombreux comités où elle a

siégé au fil du temps. Une fonction qu’elle a par-

ticulièrement aimée.

«J’ai beaucoup appris, sur les gens, sur les jeu-

nes, les moins jeunes et sur moi aussi. Agente

communautaire a été très gratifiant, c’est cer-

tain», a-t-elle commenté.

Quant à la fusion avec la Sûreté du Québec,

l’ex-sergente croit que les Louperivois

n’ont pas perdu au change. «Ça n’a pas été néga-

tif. Être policier, ce n’est pas seulement la couleur

de ton uniforme. La machine est plus grosse,

mais les moyens sont aussi plus importants.

Après 27 ans,

Johanne Levasseur remise

son uniforme de police

[email protected]

FRANÇOIS DROUIN

Première femme policière de Rivière-du-

Loup en 1989, la sergente Johanne

Levasseur a fortement contribué à changer

l’image de la police en région. Aujourd’hui

à la retraite, l’ex-patrouilleuse et agente

communautaire a accepté de

revenir sur sa carrière de 27 ans.

SUITE À LA PAGE 7

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