Dans les années 1950, la ville devint un hérisson. Il lui poussa partout de longs poils argentés. Drôles de poils d’ailleurs : en haut ils se frisaient, se tordaient, se cassaient pour former des sortes de grilles. En bas ils poussaient une racine noire ou brune, souple, jusque dans les salons, les cuisines, les salles de séjour. Là cette racine enroulait sa langue bifide à l’arrière d’étranges boîtes au devant vitré.
Je vous parle des années 1950, de l’arrivée des téléviseurs dans les maisons et des antennes sur les toits.
Le temps d’une génération à peine, les antennes ont disparu, remplacées par un câble jumelé au branchement du téléphone. Puis il y eut quelques soucoupes géantes qui vinrent se coller, comme de grandes oreilles, aux côtés des maisons redevenues chauves.
Mais plusieurs n’ont pas remarqué ces changements dans la physionomie des maisons. Ils n’ont pas le temps, rivés qu’ils sont depuis les années 1950 aux écrans de plus en plus grands, de plus en plus colorés, de plus en plus bruyants.
Ensuite certains écrans commencèrent à rapetisser, devenant moniteurs pour ordinateurs, puis tablettes ou téléphones.
On peut se demander si, dans une maison ordinaire, la vraie vie est devant ou derrière la vitre de l’étrange boîte, devant ou derrière ce miroir déformant qui nous apprend ce que nous sommes, ce que nous mangeons, ce que nous aimons, comment nous nous vêtons, de quoi nous rions et pourquoi nous pleurons. Et dehors, tous ces gens qui ne voient le monde qu’à travers la vitre de leur petite boîte sont-ils encore plus intelligents que leur téléphone?
Oh! Ceci n’a rien de moderne.
Il y a vingt-cinq siècles, le philosophe grec Platon avait imaginé une caverne, avec des humains assis autour d’un feu qui regardaient leurs ombres projetées sur les murs. Platon déjà se demandait quelle était la réalité, celle des ombres projetées ou celle des humains qui regardaient…
Ah! Ces philosophes… Savaient-ils seulement résoudre des énigmes aussi bien que vous, savants lecteurs? Comme celles-ci, disons :
ALPHA
Mon premier est au commencement.
Mon deuxième est une partie de voile.
Mon troisième était l’Hermès des Égyptiens.
Et mon tout était à l’Académie.
BÊTA
Mon premier est une lettre grecque.
Mon deuxième est un possessif bien français.
Mon troisième est un genre bien américain de films.
Mon tout a fait passer bien des ânes sur son pont!
GAMMA
Mon premier enrichit aussi bien le coiffeur que le maraîcher.
Mon dernier est un presbytère.
Mon tout a influencé aussi bien Montaigne que Voltaire et Marx!
DELTA
Soyez contre en partant, puis amenez une commune de Belgique et vous trouverez un grand cynique!
EPSILON
Je commence comme un grand romantique, et je finis comme un bec de gaz. Ce qui ne m’a pas empêché de pratiquer à fond l’art d’avoir toujours raison. Vous me reconnaissez?
DZÊTA
Mon premier est en physique quantique ou en « skateboard ». Le reste montre une audace passée. Quant à mon tout, il a gagné sa vie en taillant des lentilles optiques avant de se lancer dans un rationalisme absolu!
ÊTA
Si vous joignez une marque de jeans à un maître de la valse, vous trouverez un anthropologue qui a étudié les structures sociales jusqu’à l’âge de 101 ans!