On se plaint de l’envahissement américano-anglophone. Tous les films viennent de Hollywood. Les traductions (ou les versions originales) de romans américains, anglais ou scandinaves prennent plus de place dans nos librairies et nos bibliothèques que les romans québécois ou même francophones. On mange du MacDo ou de l’asiatique bien plus que du chiard aux grillades et du bouilli canadien.
Je ne parle pas des chansons : notre plus grande vedette fait carrière à Las Vegas et la plupart des concurrents à La Voix (sénior ou junior) chantent en anglais.
Mais ce n’est pas le cœur de mon sujet… C’est des prénoms que je veux parler.
Quand j’ouvre un journal qui annonce des naissances, quand je lis la rubrique « baptêmes » d’un feuillet paroissial, que vois-je? Des Tanya, des Betty, des Kevin, des Brad, des Steven, des Youri. Ou encore des Emy (ou Amy), des Erika, des Dalan, des Melody, Logan, Malyk, Mackenzie (éh! oui, c’est un prénom), des Zac-Tyler et autres Mathis.
Où sont passés les Michel, Claude, Louise, Maurice, Robert, Jeanne, Émilie, Yvon, Viateur, Marie et Mariette? Et les France, Sylvie, Isabelle, Monique, Madeleine, Jocelyne, Suzelle, Gisèle, René (et Renée), Lucien, Roméo et autres Jacques?
Quand un professeur fait l’appel d’une classe à l’école primaire, n’a-t-il pas l’impression d’être transporté ailleurs qu’au Québec?
Autrefois on cherchait des prénoms dans la Bible ou la Vie des Saints. Aujourd’hui on les trouve dans les films (américains), les télé-séries (américaines), les sagas romanesques (souvent américaines).
Nos bons nationalistes ont-ils pensé à l’influence des prénoms dans l’identité nationale? Déjà que les jouets ont presque tous des noms anglais. Déjà que les vêtements (enfin, ces trucs avec lesquels on couvre à peu près sa nudité) s’appellent sweatshirts, t‑shirts, boots, tops ou leggings… Déjà que nos artistes « montent sur le stage pour groover leurs tunes » plutôt que de monter sur scène pour chanter des chansons…
La prochaine étape sera-t-elle d’angliciser les noms propres, comme le firent nos anciens compatriotes exilés en Nouvelle-Angleterre au début du siècle passé?
Les Lebrun deviendront Brown et les Leblanc White, je m’appellerai Dick Bishop et nous habiterons Wolf River, Temiscouata-on-the-Lake ou Three-Pistols.
Who cares?
J’ai une jumelle…
J’ai une jumelle que je ne pourrai jamais voir.
C’est triste.
Nous avons le même âge, évidemment, mais aussi la même taille exactement.
Si elle a un œil, j’en ai un.
Si elle a plusieurs yeux, j’en ai autant.
Je le sais, même si je ne pourrai jamais la voir.
C’est triste.
Au fait il arrive aussi que toutes les deux nous soyons aveugles…
Mais ma jumelle, je ne pourrai jamais la toucher. Pas plus la toucher que la voir.
Pourtant quand nous bougeons, nous le faisons toujours ensemble.
Quand l’une de nous partira, l’autre partira aussi.
C’est comme ça.
Qui sommes-nous donc, ma jumelle et moi?