Quand l’hiver s’étire, que la neige s’accumule, que le vent siffle, que le thermomètre a la goutte au nez, on peut se réchauffer le corps. Il suffit de passer un chandail, de se coller à la plinthe, d’ajouter une bûche dans le poêle. Il suffit d’un café brûlant, d’une soupe bien mijotée, d’un dessert bien sucré.
Mais comment se réchauffer l’âme quand l’hiver s’étire, que la neige ensevelit les rosiers et les ifs, quand on ne peut sortir sans avoir l’air d’un tonneau à deux pattes, quand les bottes pèsent lourd, quand on marche comme des pingouins sur des trottoirs que la glace n’en finit pas de glacer… Comment se réchauffer l’âme?
Quand on commence à se demander à quoi servent toutes ces petites misères, à quoi riment des misères plus grandes : les accidents, les blessés, les décès? Quand les joies et plaisirs des hivers de notre enfance nous paraissent de plus en plus lointains? Quand la beauté des paysages, le bien-être des jeux et des sports, nous ne les voyons plus qu’à travers des lunettes embrumées d’arthrite, de raideurs, de faiblesse? Comment se réchauffer l’âme?
Comment la réchauffer quand notre âme se trouve au diapason des os qui craquent, de l’impuissance face au temps, de la peur face aux dégâts de l’âge?
Je ne connais qu’un remède : l’amour. Il faut aimer des êtres, des actions, des choses. Il faut voir ce qui nous reste et oublier ce qu’on a perdu. Avec ce qui nous reste, on peut encore donner du bonheur à des êtres; on peut encore être actif, même si nos activités changent. On peut apprécier les choses souvent plus et mieux qu’avant.
Je ne suis plus jeune, j’ai perdu des forces, de la mobilité, de la souplesse. Mais avec ce qui me reste, je peux encore donner à des êtres chers : amour, amis, animaux, arbres, fleurs… Et puis j’ai tant de livres à lire, de choses à apprendre, de beautés à découvrir!
Tantôt j’avais froid dans mon âme. En écrivant ces mots je me suis réchauffé. Vous qui me lisez, si mon texte vous donne un peu d’espérance et de sérénité, la preuve sera faite que j’ai raison.