X
Rechercher
Nous joindre

Leonard

durée 21 novembre 2016 | 07h47

La détresse, la nôtre, cachée, se révèle en voyant quelque chose comme : celle des autres.

Sur une chanson de Leonard Cohen, il raconte un moment où il tombe par hasard sur un mendiant qui demande de l’argent au coin d’une rue. Ce dernier tient une affiche sur laquelle il est écrit : Please don’t pass me by, I am blind but you, you can see. Please don’t pass me by.

S’il vous plait, ne m’ignorez pas, ne faites pas que passer. Arrêtez-vous. Je suis aveugle, mais vous, vous pouvez voir. Ne m’ignorez pas, ne faites pas que passer.

Plus loin il voit un hôpital, sorte de mélange entre un hôpital psychiatrique et pour personnes handicapées physiquement. Dans sa tête Please don’t pass me by revient sans cesse et il a l’impression que toute la ville chante cette chanson, ce refrain.

Ne m’ignorez pas, ne faites pas que passer.

Puis tout à coup, il s’aperçoit qu’il chante cette chanson pour lui, pour quelqu’un ou quelque chose à l’intérieur de lui qui appelle au secours et qui veut qu’on s’arrête pour l’écouter. Juste, deux secondes.

Son Please don’t pass me by il ne le chante plus aux autres ; il se le chante.

Il y a quelque chose chez Leonard Cohen aux antipodes du côté « winner », vantard, selfie à outrance, sport, gym, corps idéal,  face parfaite, « fake », réussite à tout prix même dans le mensonge, la tricherie, le succès sans effort, le monde populaire, l’indifférence, la haine de la lâcheté, de la peur, de la faiblesse, de la misère ;  toutes ces racailleries. 

Il parle de la misère, des basfonds de l’âme, de la détresse, de l’espoir, cette nourriture terrestre ; il chante la beauté d’être triste, l’amour qui s’en vient, mais qui tarde, la gloire dans la défaite, l’absolue soumission à nos désirs inassouvis et les gens qui se butent toujours aux mêmes obstacles. Il chante pour quand personne ne nous regarde.

Plus loin dans la chanson, il finit par suggérer aux gens de bien apprendre le refrain Please don’t pass me by.

Ne m’ignorez pas, ne faites pas que passer.

Parce qu’un jour, ce sera peut-être eux, vous, nous, moi, qui auront à le chanter.

A se le chanter.

Leonard Cohen était bel et bien un des nôtres.

commentairesCommentaires

0

Pour partager votre opinion vous devez être connecté.