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Vivre son deuil en période de COVID-19

durée 18 avril 2020 | 06h59
  • Andréanne Lebel
    Par Andréanne Lebel

    journaliste

    Les mesures mises en place par le gouvernement du Québec pour limiter la propagation de la COVID-19 n’épargnent personne, pas même les familles endeuillées doivent elles aussi faire des sacrifices. Une résidente de Pohénégamook, Catherine Barnabé-Légaré, a perdu sa belle-mère* pendant la pandémie. Les rites funéraires sont chamboulés, tout comme le quotidien de sa famille et de ses proches.

    «La mère de mon conjoint a eu une diagnostic de cancer il y a un an et demi. Les médecins lui donnaient trois à quatre mois à vivre et elle a déjoué tous les pronostics. En juin dernier, elle a fait séjour en soins palliatifs à Rivière-Bleue, mais au fil du temps, elle a pris du mieux et est finalement sortie. En février, elle a été transférée vers la Maison Desjardins de soins palliatifs du KRTB, puis sa condition s’est détériorée», raconte Mme Barnabé-Légaré. Les restrictions liées à la COVID-19 sont ensuite entrées en ligne de compte pour rendre visite aux patients en fin de vie.

    La belle-sœur de Mme Barnabé-Légaré a réussi à traverser les barrages policiers qui restreignent l’accès au Bas-Saint-Laurent afin de se rendre au chevet de sa mère mourante. «Humainement, ce n’était vraiment pas drôle. Elle a pu passer du temps avec sa mère, malgré une interprétation des règles de distanciation sociale qui différait selon certains membres du personnel. Parfois, on ne lui permettait pas de la voir parce qu’elle venait d’une autre région», raconte-t-elle. Mme Barnabé-Légaré comprend par ailleurs que des conditions doivent être mises en place pour les visites. Il était hors de question pour la famille de seulement fonctionner par Skype ou téléphone, en raison du niveau de conscience de la personne en fin de vie. Sa belle-mère est finalement décédée le 5 avril après six jours sous sédation.

    «Il a ensuite fallu faire comprendre à son mari qu’elle n’aura pas les funérailles comme elle le souhaitait dans ses dernières volontés. Au salon funéraire, des rendez-vous étaient pris aux 15 minutes sans que personne ne se croise, avec un maximum de 10 personnes dans la pièce (…) Je pense que le deuil est plus difficile à vivre pour son mari parce qu’il est plus traditionnel. Mon conjoint est originaire de la région, alors il a pu veiller sa mère et être à son chevet», ajoute-t-elle.

    Tout est remis à une date ultérieure puisque les rassemblements sont interdits jusqu’à nouvel ordre. Les normes de distanciation physique devront être respectées, même à l’église. «Quand on est parti du salon funéraire, on ne pouvait pas aller chez mon beau-père. Pour lui ça doit être vraiment quelque chose, il vivait depuis 60 jours en accompagnant sa femme qui se trouvait à la Maison Desjardins de soins palliatifs du KRTB. La COVID-19 ne faisait pas du tout partie de ses priorités et maintenant ça lui rentre dedans, à 81 ans (…) C’est ma croyance, mais d’après moi, les gens partis en haut vont comprendre que nous n’avons pas le contrôle sur cette situation», complète-t-elle.

    L’IMPORTANCE DES RITES FUNÉRAIRES

    Pour la professeure en psychologie à l’Université du Québec à Montréal, Mélanie Vachon, il est primordial que les rites funéraires soient honorés dans le futur afin qu’ils soient aussi fidèles que possible à ce que la personne décédée souhaitait. «Les funérailles, les rites sont importants pour le processus du deuil, dans la mesure où ils ont une signification pour les proches. Ils peuvent prendre d’autres formes, comme des rencontres virtuelles pour se remémorer des beaux moments vécus avec la personne décédée, se partager des photos, de la musique, faire des rituels dans la nature. Il faut symboliser cet évènement-là», précise Mme Vachon.

    Elle rappelle par ailleurs que ce sont les circonstances qui forcent le report des rites funéraires, et non le choix des proches de la personne décédée. Ils n’ont pas à porter ce poids sur leurs épaules. «On peut offrir une écoute dépouillée de conseil, raconter la vie, la détresse, ce qu’ils gardent de beau par rapport à la personne décédée. Il faut être à l’écoute des besoins concrets de la personne qui vit un deuil, normaliser sa détresse et les sentiments de peine intense», ajoute-t-elle. Dans le contexte actuel de la pandémie, on a tendance à s’isoler pour respecter la distanciation physique, alors on est privé de la proximité des gens qui sont importants pour nous.

    À moyen terme, la professeure en psychologie à l’Université du Québec à Montréal privilégie un retour à la vie normale pour les endeuillés. Elle leur conseille de se réinvestir dans des activités qu’ils aimaient, de reprendre la routine. Retourner au travail fait partie aussi du processus du deuil. «Pour le moment, dans la situation de la COVID-19, il n’y a absolument rien de normal, le retour à la routine est quasi-impossible. Ça peut être insécurisant, parce qu’il y a une perte de repères et la routine est fragilisée.»

    Pour les personnes en fin de vie, Mélanie Vachon précise que même s’ils semblent inconscients, l’ouïe est souvent l’un des derniers sens à s’éteindre. Ce n’est pas parce que la personne ne réagit pas qu’elle ne comprend pas. «C’est toujours pertinent d’y aller, de toucher la personne, de faire jouer de la musique par exemple, jusqu’aux derniers instants. De veiller le plus longtemps possible. C’est apaisant de se dire qu’au moins la personne aimée n’est pas partie toute seule. Il faut aussi rester en lien ensemble pour se soutenir», conclut-elle.

    Mme Vachon a mis sur pied un service gratuit de soutien, de conseils concrets et de référencement aux ressources spécialisées locales pour faciliter le deuil en période de pandémie. Il est possible de la joindre au [email protected].

    *À la demande de la famille, seul le nom de la personne qui a accordé cette entrevue a été publié dans cet article.

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