D'où vient « La Guignolée »?
La Société d'histoire et de généalogie de Rivière-du-Loup profite de la période des Fêtes pour vous souhaiter une période riche de rencontres chaleureuses avec les vôtres. Joie! Santé!
Voici un article paru dans la Gazette des campagnes, publié à La Pocatière en juin 1863. On y précise que la chanson La Guignolée qu’on y trouve a été recueillie par Joseph-Charles Taché, médecin, homme politique, journaliste, fonctionnaire et écrivain, né le 24 décembre 1820 à Kamouraska. Fils de Charles Taché, commerçant, neveu de Sir Étienne-Paschal Taché et le frère aîné de Mgr Alexandre-Antonin Taché.
Ces mots La Ignolée désignent à la fois une coutume et une chanson, apportées de France par nos ancêtres; elles sont aujourd’hui presque entièrement tombées dans l’oubli.
Cette coutume consistait à faire par les maisons, la veille du jour de l’an, une quête pour les pauvres (dans quelques endroits on recueillait de la cire pour les cierges des autels), en chantant un refrain qui variait selon les localités; refrain dans lequel entrait le mot La Ignolée, guillonée, la guillona, aguilanleu, suivant les dialectes des diverses provinces de France ou cette coutume s’était conservée des anciennes mœurs gauloises.
M. Ampère, rapporteur du Comité de la langue de l’histoire de la France, a dit, au sujet de cette chanson : « Un refrain, peut-être la seule trace de souvenirs qui remontent à l’époque druidique. »
Il ne peut y avoir de doute sur le fait que cette coutume et ce refrain aient pour origine première la cueillette du gui sur les chênes des forêts sacrées, et le cri de réjouissance que poussaient les prêtres de la Gaule druidique Au gui l’an neuf, quand la plante bénie tombait sour la faucille d’or des druides.
Dans nos campagnes, c’était toujours une quête pour les pauvres qu’on faisait, dans laquelle la pièce de choix était un morceau de l’échine du porc, avec la queue y tenant, qu’on appelait l’échignée ou la chignée. Les enfants criaient à l’avance en précédant le cortège : La Ignolée qui vient! On préparait alors sur une table une collation pour ceux qui voulaient en profiter et les dons pour les pauvres.
Les Ignoleux, arrivés à une maison, battaient devant la porte avec de longs bâtons la mesure en chantant; jamais ils ne pénétraient dans le logis avant que le maître et la maîtresse de la maison, ou leurs représentants, ne vinssent en grande cérémonie leur ouvrir la porte et les inviter à entrer. On prenait quelque chose, on recevait les dons, dans une poche qu’on allait vider ensuite dans une voiture qui suivait la troupe; puis on s’acheminait vers une autre maison, escortés de tous les enfants et de tous les chiens du voisinage, tant la joie était grande… et générale!
Voici la chanson de la Ignolée, telle qu’on la chantait encore en Canada, il y a quelques années (milieu du XIXe siècle), dans les paroisses du Bas du Fleuve :
Bonjour le maître et la maîtresse
Et tous les gens de la maison,
Nous avons fait une promesse
De v’nir vous voir une fois l’an.
Une fois l’an ce n’est pas grand’
chose
Qu’un petit morceau de chignée,
Si vous voulez.
Si vous voulez rien nous donner,
Dites nous lé.
Nous prendrons la fille aînée,
Nous y ferons chauffer les pieds!
La Ignolée! La Ignoloche!
Pour mettre du lard dans ma poche
Nous ne demandons pas grand’
Chose
Pour l’arrivée.
Vingt-cinq ou trente pieds de chignée,
Si vous voulez.
Nous sommes cinq ou six bons drôles,
Et si notre chant n’vous plaît pas
Nous ferons du feu dans les bois
Étant à l’ombre,
On entendra chanter l’coucou
Et la Coulombe!
Le christianisme avait accepté la coutume druidique en la sanctifiant par la charité, comme il avait laissé subsister les menhirs en les couronnant d’une croix. Il est probable que ces vers étranges, nous prendrons la fille aînée, nous y ferons chauffer les pied! sont un reste d’allusions aux sacrifices humains de l’ancien culte gaulois. Cela rappelle le chant de Velléda dans les Martyrs de Châteaubriand : « Teutatès veut du sang… au premier jour du siècle…il a parlé dans le chêne des druides! »
Note aux lecteurs
Nous avons accompagné ce texte d’une image de Thérèse Sauvageau extraite du volume Souvenir de nos ancêtres publié aux éditons Anne Sigier. Nous remercions cette artiste en arts visuels de nous avoir donné la permission d’utiliser son œuvre pour fin de publication. Madame Sauvageau, artiste peintre et auteure, crée des œuvres qui sont le témoin des coutumes de la ruralité québécoise.
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