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Mikaël Rioux grandeur nature

durée 4 janvier 2018 | 06h55
  • *En 2017, votre journal Info Dimanche a célébré ses 25 ans de publication. En cette année particulière, nous vous offrons un retour sur certains des faits ayant marqué notre région en compagnie de ceux qui les ont animés.

    Le 18 octobre 2002, Mikaël Rioux, est là, suspendu dans le vide. Alors âgé de 26 ans et aidé d'amis, il s’installe au-dessus de la rivière Trois-Pistoles grâce à une tyrolienne. Les images de son bivouac surplombant les chutes et le bassin du cours d’eau qu’il veut sauver d’une minicentrale hydroélectrique privée font le tour du Canada. Récit d’un combat qui s'est échelonné sur une décennie.

    Le promoteur initial du projet qui a été définitivement abandonné en 2013 était l’ancien journaliste Jean-Marc Carpentier et sa société Grade Trois-Pistoles. «Je revenais d’un séjour de deux ans aux Îles-de-la-Madeleine où j’étais guide de kayak. J’avais entendu parler du projet par le neveu du promoteur. À mon arrivée, j’ai vu les travaux déjà entrepris, on avait rasé des arbres pour faire un chemin menant aux abords de la rivière. J’ai eu une réaction d’autodéfense.»

    Selon l’environnementaliste, Jean-Marc Carpentier devait identifier les rivières potentielles pour de petits barrages au compte d’Hydro-Québec. «Ici, il a trouvé une rivière dont les droits hydriques n’étaient pas détenus par la société d’État. Il les a acquis pour 50 ans et a entrepris d’y construire un barrage et une centrale.»

    LA RIVIÈRE

    Rencontré en décembre 2017 dans sa maison de la rue de la Grève à Notre-Dame-des-Neiges où il est revenu s'installer après un passage de cinq ans dans la métropole, Mikaël Rioux pose un regard lucide sur ce combat. Quinze ans plus tard, sa tignasse hirsute est toujours aussi dense, mais plus grisonnante. De son côté, la rivière Trois-Pistoles, elle, coule librement et sans embâcle.

    «Les projets similaires sont presque tous tombés, nous sommes en surplus énergétique et les seuls qui ont fait de l’argent ce sont les firmes d’ingénieurs. On a vu ce que c’était que des firmes d’ingénieurs avec la Commission Charbonneau», lance-t-il sourire en coin.

    La journée est froide, glaciale même. Il s'installe dos au poêle à bois. Alors que le feu crépite, un pygargue à tête blanche passe devant l'une des fenêtres. L'environnementaliste se lance à l'extérieur, heureux de cette brève rencontre. Si ce kayakiste chevronné et passionné de plein air aime la nature, il faut admettre qu’elle le lui rend bien.

    LE COMBAT

    Mais en 2002, Mikaël, qui n’a pas plus d’expérience en escalade qu’en militantisme, s’apprête à jouer un rôle qui le définira comme activiste-écologiste. «J’étais naïf. Si j’avais su dans quoi je sautais, que ça ne serait pas un mois, mais 10 ans, j’aurais certainement eu le vertige… mais je l’aurais fait.»

    À son retour dans les Basques, il rencontre les Ami(e)s de la rivière ainsi que Marcel Desjardins, déjà impliqués dans le dossier. «Je croyais naïvement que lorsque la population réaliserait que les retombées étaient minimes, que la rivière se trouvait privatisée, qu’elle contesterait elle aussi le projet», raconte Mikaël.

    Timidement, la mobilisation s’organise. À la suite d’une manifestation, le jeune homme s’inspire d’un article portant sur une activiste américaine qui a passé 738 jours dans un arbre pour contrer le déboisement d’une forêt.

    LE CAMPEMENT

    Mikael Rioux cible alors un cap à dynamiter situé à proximité du pic rocheux. L’idée est d’installer un campement pour en empêcher les travaux. Une rencontre fortuite viendra donner une tout autre dimension à son projet. «J’ai rencontré une amie que je n’avais pas vue depuis 10 ans dont le chum arrivait d’escalade au Groenland. D’où l’idée de la tyrolienne, même si j’ai le vertige !», lance en riant l’écologiste.

    Le 17 octobre, Mikaël Rioux et ses amis campent sur le site. «Après avoir installé les cordages, il m’a donné un cours technique 101 sur comment m’accrocher aux poulies. Un communiqué de presse a été publié et le samedi matin, les journalistes et les camions satellites arrivaient sur le site.»

    Les images de Mikaël suspendu au-dessus de la rivière, face aux chutes, font rapidement le tour du pays. Les entrevues se succèdent, mais si le nombre d’opposants augmente, avec le temps, les médias délaissent le dossier.

    MÉDAILLE

    Alors que Mikaël Rioux alterne son temps entre la tyrolienne et le tipi installé au sommet de la paroi rocheuse et qu’il doit combattre un froid mordant, il reçoit un appel totalement inattendu.  À l’été 2001, en compagnie de deux amis, il a sauvé la vie de deux enfants de la noyade, le gouvernement du Québec lui décerne donc à lui et ses amis Jonathan Mercier St-Hilaire et Sébastien Côté la médaille du Civisme. La cérémonie aura lieu le 18 novembre. Quitter la rivière pour un honneur individuel ? C’était bien mal le connaitre.

    «Le lendemain Richard Desjardins est venu me voir avant un spectacle à Rimouski. Je lui ai demandé ce qu’il ferait avec ça et il m’a répondu qu’il la refuserait sur place, que c’était la meilleure occasion de ramener la rivière à l’avant-scène.»

    Lors de la cérémonie officielle tenue à l'Assemblée nationale, Mikaël Rioux annonce à la surprise générale qu'il acceptera la récompense seulement si le gouvernement consent à sauver la rivière. Richard Desjardins a vu juste, son geste d'éclat ne passe pas inaperçu.

    Huit jours plus tard, le gouvernement péquiste annonçait que dans le cadre de la politique nationale de l'eau, il mettait un terme au programme des petites centrales privées au Québec.

    AUJOURD’HUI

    Le projet qui aura connu trois moutures différentes a finalement été abandonné 10 ans et un référendum plus tard. «Le début de la Commission Charbonneau, ça commence un peu ici. Le copinage entre les gouvernements et les firmes d’ingénierie qu’on récompense à coup de mini barrage, c’est ça.»

    Après la rivière Trois-Pistoles, l’activiste s’est fait remarquer dans la lutte au projet de centrale thermique du Suroît, où en pleine conférence de presse d’André Caillé, alors PDG d’Hydro-Québec, il lui a versé un verre d’eau sur la tête. On l’a aussi revu ici, à Cacouna parmi les manifestants ou sur le fleuve, à surveiller les travaux de sondage dans les différents projets gazier et pétrolier de Trans Canada. Il a mis fin à son association avec Greenpeace en juin dernier.

    «J’ai fait un burnout, j’étais tanné. Je fatigue à Montréal, je n’ai pas réussi à m’habituer. Nous avions des visions opposées. Je privilégie les initiatives locales et Greenpeace ne comprend pas bien la réalité des régions.»

    Aujourd’hui, il ne s’en cache pas, il est fier du combat mené. Mais l’activiste ne cache pas qu’il y a une face cachée à son militantisme.

    «J’ai appris à la dure sur le terrain avec une radio poubelle de Rivière-du-Loup qui me rentrait dedans. Ça a été plus difficile pour ma famille. On m'a décrit comme le représentant du Plateau Mont-Royal. C’est un petit milieu ici, je me suis fait dévisager. Mais au final, il n’y a pas de barrage et c’est ce que je retiens.»

    ÉCHO-FÊTE

    De son opposition au projet de la rivière Trois-Pistoles découle le premier festival environnemental Écho-Fête, lancé en 2003 et qui a été présenté jusqu’en 2015. «On voulait démontrer que l’environnement peut générer non seulement des revenus, mais des retombées positives, susciter de l’intérêt et faire découvrir notre région. (…) Des gens sont venus s’établir ici. Quand 7 ou 8 000 personnes débarquent à Trois-Pistoles, il y a un impact certain», souligne Mikaël Rioux.

    Photo : François Drouin

     

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