FRANCISATION Au-delà des chiffres, de la Tunisie à Rivière-du-Loup Assis sur de petites chaises dans une classe de maternelle de l’école La Croisée I, ils ont accepté de se poser pendant une heure afin de raconter leur parcours. Leurs paroles sont entrecoupées des babillages de leur fils cadet, Mahdi, à la découverte d’un nouvel environne- ment. Ayoub est venu rejoindre ses parents quelques minutes plus tard, à l’heure de la col- lation. Avant de prendre l’avion vers le Québec, Ayoub a pu découvrir sa future école en photos. Ses parents étaient déjà en contact avec Chantale Boucher, conseillère pédagogique en francisation et éducation interculturelle au Centre de services scolaire (CSS) de Kamouraska-Rivière-du-Loup, pour faciliter leur arrivée dans la province. Elle est d’ailleurs présente avec eux lors de l’entretien avec Info Dimanche. «C’est la force qui nous a aidés, parce qu’on avait peur pour notre enfant au départ, précise Ahmed Namouchi. C’était primordial, qu’on soit rassurés que notre fils prenne sa place, pour qu’on s’occupe de notre installation.» En quel- ques heures, la petite famille est passée du soleil chaud de la Tunisie à la rigueur de l’hiver québécois. Heureusement, cette transition a été méticuleusement préparée. CRAINTES Ahmed Namouchi et Maha Khezami ont tous les deux appris le français lors de leur par- cours scolaire. «En Tunisie, on commence à enseigner le français dans les écoles publiques à partir de la 3e année du primaire. L’enseigne- ment de Ayoub était purement en arabe», explique le père de famille. De son côté, Maha s’inquiétait pour son fils. Elle craignait qu’il n’arrive pas à se faire com- prendre par son enseignante pour des deman- des aussi simples qu’aller aux toilettes. La courbe d’apprentissage, pour son fils alors âgé de six ans, était très prononcée. À la maison, ses parents parlent arabe. Le jeune garçon a pu avoir l’aide de son père, qui a enseigné le français langue seconde au primaire en Tunisie. «On savait qu’il n’allait rien comprendre au départ. Il parlait juste un peu français, [il con- naissait] les nombres, les couleurs», raconte Ahmed Namouchi. Son défi principal a été de le préparer à cette réalité. Dès le troisième jour de son arrivée au Québec, le couple a rencontré l’enseignante d’Ayoub. Ils ont pu visiter sa classe et savoir à quel bureau leur fils s’assoirait. «Ça nous a beaucoup aidés pour être confiants et pour lui transmettre ça.» Selon la conseillère pédagogique Chantale Boucher, l’essentiel est que l’enfant se sente le bienvenu dans sa classe. Son travail est princi- palement de créer des ponts entre les ensei- gnantes et les familles nouvellement arrivées dans la région. Besoins en matériel scolaire, informations sur les vêtements d’hiver, aide à l’intégration à l’école, ses interventions sont multiples afin de rendre cette transition un peu plus douce pour les familles qui ont choisi d’immigrer dans la région. Au CSS de Kamouraska-Rivière-du-Loup, il n’y a pas de classe de francisation. Les élèves immigrants sont intégrés directement dans les classes «ordinaires» et des cours de francisa- tion, appelés «intégration linguistique, scolaire et sociale» sont ajoutés à leur cursus. «Si on voit qu’un élève ne parle pas français et qu’il ne pourra pas réussir à suivre le pro- gramme régulier, on le place en modification des attentes pour éviter de les mettre en échec», explique Chantale Boucher. La plupart d’entre eux ne seront pas en mesure de suivre le programme éducatif en raison de leur appren- tissage de la langue française. Ils bénéficient donc d’un bulletin scolaire spécial. Au début du mois de novembre, tous les services en francisa- tion ont été coupés à travers le Québec dans le secteur adulte (voir autre texte). Les cours se poursuivent toujours au préscolaire, au primaire et au secondaire. ADAPTATION Les deux parents d’Ayoub ont eux aussi eu besoin d’une période d’adaptation, confrontés au mur de l’accent québécois, avec ses voyelles distinctives. «On n’arrivait pas à comprendre le français du Québec», résume Mme Khezami. «Au retour de son premier jour d’école, on lui a demandé ce qu’il avait compris. Il a dit : rien […] Il ne comprenait même pas les prénoms de ses amis», se rappelle M. Namouchi. Toutefois, son fils lui racontait ses jeux avec les autres enfants dans la cour d’école, un langage univer- sel.
[email protected] PAR ANDRÉANNE LEBEL > Cette histoire est celle de Maha Khezami, de Ahmed Namouchi et de leurs deux fils Ayoub, âgé de sept ans, et Mahdi, un an et demi, arrivés à Rivière-du-Loup dans la froi- dure de décembre, en 2023. C’est aussi celle de milliers d’autres familles néo-qué- bécoises, qui ont fait le choix de se déraciner de leur pays en quête d’une meilleure vie pour leur famille. Chantale Boucher du Centre de services scolaire de Kamouraska-Rivière-du-Loup, Ahmed Namouchi, Maha Khezami et leurs fils Ayoub et Mahdi. PHOTO : ANDRÉANNE LEBEL SUITE À LA PAGE 7 > 1151174524 | INFODIMANCHE • ACTUALITÉ Le 20 novembre 2024 6 >