Écrire sur des œufs
Alex Ann Villeneuve Simard
Faut-il que je me lance dans une chronique d’opinion pour m’introspecter sur le sujet.
J’ai toujours défendu la liberté d’expression.
Jusqu’à ce qu’on en fasse une reine sur les médias sociaux.
J’ai toujours défendu la liberté d’expression… jusqu’à ce qu’on la prenne trop pour du « cash ».
Ma propre opinion change souvent.
Ce n’est pas vendeur de dire ça dans une chronique d’opinion… « anyway ».
« Fuck », j’ai dit « anyway ».
« Fuck », j’ai dit « fuck ».
Je sacre en anglais dans l’Info Dimanche.
C’est un beau départ.
« Anyway ».
Quand on parle d’opinions, il faut apprendre à relativiser.
Ce n’est pas de la science, ce ne sont pas des faits.
C’est plutôt un heureux mélange entre des émotions, des perceptions, des bouts de bagages de vie, des jugements.
Même si les plus rationnels d’entre nous réclament l’importance que l’opinion s’appuie sur des faits, reste que l’expression de notre point de vue peut se faire aux différentes étapes de notre processus de réflexion : au début, au milieu ou à la fin.
Rien de plus.
Rien de moins.
L’opinion reste cassable, malléable, transformable.
Elle est à l’image d’une porte qui s’ouvre pour nous permettre d’entrer dans une autre pièce.
Ça nous développe l’empathie quand ce qu’on croyait vrai devient faux, quand quelqu’un nous tourne la médaille de bord.
Me semble que c’est là qu’on peut se comprendre plus les uns les autres.
Sauf qu’aujourd’hui, ça reste difficile de dire son opinion.
Les hommes ne peuvent parler pour les femmes et les femmes ne peuvent parler pour les hommes.
Les Blancs ne peuvent parler pour les Noirs et les Noirs ne peuvent parler pour les Blancs.
On marche sur des œufs.
Ou, on écrit sur des œufs.
C’est un peu niaiseux, non ?
Un homme ne peut-il pas comprendre la réalité des femmes d’aujourd’hui ?
Considérons-nous qu’un Blanc ne saurait contribuer à la lutte contre le racisme ?
D’un autre côté, comment ne pas avoir envie de fermer le clapet à certaines opinions qui poussent comme de la mauvaise herbe.
Des pissenlits de « moé, elle, pu capab’ » poussent comme sur mon terrain en coin de ma maison d’enfance.
Ils sont nombreux, envahissants, ne partent jamais et à la moindre tentation de les arracher… ils poussent encore plus fort.
Ils poussent en « CAPLOCKS ».
Rien, rien pour redorer l’image de l’opinion.
Malgré tout ça, je pense qu’il est nécessaire de la cultiver, de s’organiser pour que le gazon soit plus vert que jaune.
Dommage que le gazon ne soit pas bleu et que les pissenlits ne soient pas rouges, nous aurions pu bénéficier d’une excellente analogie politique ici.
Attendez. La CAQ, ils sont bleus ?
Laissez faire, j’ai rien dit.
Non. En fait, je l’ai dit.
Avoir une opinion ne veut pas dire que celui qui ne la partage pas est un ennemi.
On devrait davantage s’autoriser à l’exposer publiquement, comme une ouverture à recevoir les idées des autres.
Le respect ne s’arrête pas là où l’opinion des autres commence.
Le respect, c’est tout le temps. 24/24, 7/7.
Mais il aurait été préférable que je ne dise rien.
Même si je vous dis que je ne connais pas réellement ma couleur politique, quand on commence à s’exposer publiquement, vient un temps où les gens nous connaissent mieux que nous-mêmes.
Vient un temps où les gens savent mieux que nous ce que nous « voulions dire par-là. »
Sauf que je n’ai pas envie de vous écrire sur des œufs.
De me confiner dans la prison de mes propres mots.
J’assume qu’ils pourront changer au fil du temps, qu’ils s’installent dans un processus.
La crédibilité se bâtit sur l’honnêteté, n’est-ce pas ?
J’ai toujours fait des omelettes avec les œufs.
On m’adore pour ça.
On me déteste pour la même raison.
J’ai envie, à travers mes mots, de redonner les lettres de noblesse à l’opinion sans pour autant me payer sa tête.
J’ai envie qu’on se cultive.
Qu’on s’écoute plus pour savoir mieux.
Les opinions ne sont pas sensées être faites en béton.
La mienne est plutôt faite en gazon.
Et la vôtre ?
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