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Il était une fois

durée 21 décembre 2019 | 10h08
  • Info Dimanche
    Par Info Dimanche

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    Un conte de Michel Normand, de Saint-Juste-du-Lac

    Un jeune garçon de 12 ans nommé Simon. Il vivait avec sa mère et ses quatre frères et soeurs tout au bout d’un rang poussiéreux, terminaison lointaine d’un petit village au nom aussi évocateur qu’inconnu du Bas-Saint-Laurent. Le village de Simon était niché au cœur des montagnes verdoyantes et giboyeuses bordant un lac aux eaux cristallines dont la surface s’étendait à une telle distance que même les yeux plissés, il ne parvenait pas à en apercevoir la fin.

    Simon vivait dans un monde rude où la plupart des gens qui avaient du travail oeuvraient dans le domaine de l’exploitation forestière ou acéricole. Ces derniers trimaient dur toute l’année car leur travail changeait souvent au gré des saisons. Le père de Simon faisait partie de ces fiers travailleurs qui ne manquaient pas une occasion de profiter de la nature et de rigoler un bon coup avec amis et parents. Au début de l’automne, le père de Simon avait accepté un nouveau travail en forêt et c’est là que la tragédie frappa. Une mauvaise coupe de scie, un vent tournant, un instant d’inattention et voilà, c’en était fait de lui. Il survécut quelques heures à l’accident, mais il mourut loin de sa famille et laissa celle-ci sans argent ni compensation quelconque.

    Étant l’ainé des enfants, c’est ainsi que Simon se retrouva chef de famille à 12 ans, lourde responsabilité pour un si jeune garçon qui avait dû quitter l’école par nécessité lors de ce triste évènement. Il avait ainsi accepté d’occuper un poste d’aide dans les cuisines d’un camp de bucherons de la région. C’est là qu’il apprit quelques rudiments de cuisine ainsi que les petits secrets des gens d’ici qui apprêtaient si bien la viande de bois. 

    Noël approchait et son maigre salaire, qu’il remettait en totalité à sa mère, suffisait à peine à assurer la survie de la famille. Il n’était donc pas question de cadeaux ni encore moins de gâteries pour ses proches. Mais, que pouvait-il faire afin apporter un peu de joie à sa famille pour le jour de Noël qui était si proche ?

    Arrivé à la maison pour la période des fêtes, il regardait tomber la neige le cœur gros en pensant à son père qui garnissait toujours la table de ses prises et conquêtes de mâles en manque d’amour qu’il savait si bien déjouer en prétendant être la belle promise. Mais comment pourrait-il jouer à ce jeu alors qu’il ne connaissait absolument rien à toutes ces histoires de glandes, de musc, de grattages et frottages ?

    Il regardait toujours virevolter la neige quand celle-ci se mit à tomber comme de gros tapons de ouate ou de… de…PLUMES…! qui dansaient dans le ciel décrivant de larges arabesques qui l’invitaient à les suivre. C’a y est, enfin il comprit qu’il pouvait tenter sa chance avec un gibier à plumes que l’on dit plus facile à chasser. Il partit donc à la conquête de la poule des bois avec sous le bras le vieux 16 de son père et quelques cartouches à plombs. Il était alors fier et tellement heureux de quitter la maison incognito avec sous son bras, son bâton de feu comme l’appelaient anciennement les Malécites du coin, et c’est ainsi qu’il se mit en quête de rejoindre la forêt mixte du bout du rang.

    Après une heure de marche, pas un coup de feu, seulement le «vroum» tapageur de l’envol des perdrix qu’il approchait lentement dans les feuilles cassantes sous la neige fraichement tombée. Une fois, il vit une boule grise disparaitre derrière un gros sapin, une autre fois, c’était un éclair qui explosait derrière lui. Découragé par cette première tentative infructueuse d’abattre un gibier dit aussi facile, il rentra à la maison à la tombée du jour espérant ne pas être découvert ainsi affublé d’un air aussi penaud. Il se coucha ce soir-là en rêvant de plumes, d’ailes et de houppettes arrogantes qui lui faisaient tant envie. Il venait de découvrir le plaisir de la chasse, de la traque d’un gibier plus fin qu’on ne le croit, du désir de vaincre sur son terrain un adversaire que l’on voudrait voir dans son assiette. Il s’endormit finalement en pensant qu’il devait changer de tactique afin de pouvoir récolter l’une de ces jolies écervelées emplumées.

    Le matin suivant, il était éveillé avant l’aube ne cessant d’essayer de retracer dans sa mémoire toutes les histoires de chasse contées par son père et ses oncles lorsqu’ils chassaient la demoiselle des bois. Il aborda ainsi la levée du jour avec un plan en tête: il allait chasser la bombe grise à l’affut, oui, à l’affut…. rien de moins.

    Par ce bel après-midi de la veille de Noël, il quitta la maison en voleur, sans bruit et sans traces afin de mettre son plan de chasse à exécution. Il avait remarqué que les perdrix affectionnaient les petits trèfles verts qui poussaient sous les grands sapins. Par la suite, à la brunante, ces acrobates aillées allaient se «jouquer» dans les branches des majestueux merisiers afin de faire provision de savoureux bourgeons pour la nuit. Simon quitta à ce moment le chemin enneigé pour s’enfoncer quelque peu dans la forêt. Il choisi de se cacher derrière le tronc d’un arbre tombé au centre d’un peuplement de merisiers, mais aussi situé à quelques 50 pieds des grands sapins qui bordent le chemin.

    Bien installé, il se laissa bercer par les derniers rayons de soleil de l’après-midi. Soudainement, il tourna la tête et remarqua un léger mouvement sous les sapins. Une forme foncée se découpait à l’ombre des arbres, un autre mouvement, une boule fantomatique, un pas cadencé avec la tête qui va et vient de devant vers l’arrière, propulsant cette houppette provocante dans la direction choisie par la belle tant désirée.

    Simon retenait son souffle à la vue des trois oiseaux qui avançaient vers lui d’un pas lent souvent entrecoupé de petites courses erratiques qui les rapprochaient plus rapidement de lui. Il sentait son cœur battre dans ses tempes, il avait les mains moites et commençait à avoir la vue légèrement embrouillée. C’était la fièvre de la chasse qui montait en lui. Il était à la fois envahi par l’anxiété de rater cette opportunité et le désir d’abattre son premier gibier.

    Une fois les trottineuses rendues à découvert, Simon fut surpris de se lever de sa position l’arme prête, pointée vers l’une des prétendantes au titre, comme si quelqu’un le poussait et articulait son corps en ultime prédateur qu’est l’homme. Il fut surpris et secoué par la détonation, puis constata avec un pincement au cœur qu’une demoiselle aillée était étendue inanimée dans la neige rougie par le sang. Enfin, il avait vaincu l’animal tant convoité, il avait déjoué et trompé sa prétendante qui gisait maintenant sans vie devant lui.

    Au même moment, il entendit le «vroum» si familier des perdrix qui s’envolent. Il perdit alors de vue les oiseaux effarouchés, mais, toujours sous l’effet de l’adrénaline, il suivit le son de l’un des volatiles qui s’était enfui à tire d’aile vers le chemin pour enfin le remonter en bordure des arbres, et ce, dans sa direction. Ce qui se passa ensuite se déroula comme dans un rêve, dans un autre monde ou les mouvements sont lents, les sons étouffés. C’est comme s’il était sorti de son corps pour suivre la scène aux premières loges. Il se vit fermer les yeux, outil inutile à ce moment, pour se concentrer comme les ninjas sur le son indiquant la direction qu’il faut suivre. Il lui fallait alors deviner l’emplacement de sa proie, suivre la trajectoire présumée de son vol, déterminer quand elle passera à proximité. Soudain, il se vit enfin ouvrir les yeux. À ce moment, il regardait droit dans l’espace de 15 à 20 pieds libres de conifères. Ses sens l’avaient déjà guidé et il avait de façon naturelle cassé le canon de son arme avec une légère inclinaison, de sorte que la cartouche vide fut éjectée sans délai. Ses mains froides, mais nerveuses ont ainsi obéi aux ordres donnés par son cortex cérébral. Tel un automate, ses doigts ont saisi une nouvelle cartouche, l’ont introduite sans hésitation dans le canon du vieux 16 et ce dernier fut refermé avec un bruit sec et sans échos. Il leva le chien du pouce droit, glissa son index dans le pontet de l’arme, suivit au son le vol de l’oiseau tout en épaulant dans sa direction et quand il arriva à la hauteur de l’espace vide de branches, la houppette provocante creva le ciel devant lui.

    Il coucha la joue sur la crosse de l’arme sans arrêter son mouvement et bascula celle-ci de gauche à droite pour suivre et dépasser légèrement la tête de l’oiseau et c’est à ce moment que le coup retentit. Il entendit un bruit sec qui le sortit de son état catatonique pour le ramener dans le monde de la réalité. Ses tempes se soulevaient au rythme du sang qui courrait à folle allure dans ses veines, il avait le souffle court et sifflant encore étourdi par la dose formidable d’adrénaline qui avait déferlé dans son corps tel un tsunami dévastateur.

    Il baissa l’arme et vit disparaitre la poule des bois dans un vol erratique derrière les sapins qui se trouvaient au bout de l’éclaircie qui lui avait permis de faire feu. Il commençait à peine à reprendre son souffle quand il entendit le bruit mat et étouffé d’un oiseau qui tombe lourdement dans la neige. Il se mit à courir comme un fou, n’en croyant pas ses oreilles. Il déboucha en titubant sur le bord du chemin et c’est là qu’il vit sa prise chérie couchée sur le dos dans la neige. Il avait fait mouche tel un pro du tir au vol. Un grand frisson le parcourut et à ce moment, il comprit qu’il était un bon chasseur, enfin un homme. Il avait passé le test ultime de la vie en plein air des travailleurs de sa région. Il avait de surcroit un récit enlevant à conter autour de la table dressée pour Noël et garnie du gibier qu’il avait récolté.

     Cette année, au réveillon de Noël, Simon avait été désigné pour s’assoir au bout de la table, à la place de son père et on lui avait demandé de servir les convives de la venaison qu’il avait rapportée. Son torse se bomba légèrement, ses yeux s’embuèrent quelque peu et une petite, une toute petite larme coula le long de son nez. Il l’essuya prestement sans que personne ne semble l’avoir remarquée. Il leva les yeux et vit ceux de sa mère l’envelopper du regard le plus affectueux qu’il n’avait jamais vu. À ses côtés il remarqua qu’il était aussi accompagné du regard écarquillé et admirateur des autres membres de sa famille.

    Simon comprenait qu’il avait franchi une étape importante de sa vie, il pouvait maintenant lui aussi voler de ses propres ailes. Son père serait à coup sûr très fier de lui et c’est ainsi fort de cette pensée qu’il envisagea avec le sourire son avenir au sein de ce petit village.

    Joyeux Noël à tous,

    Michel Normand. Saint-Juste-du-Lac.

     

     

     

     

     

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