Sylvain «Elvis» Lavoie : de racines en sculptures
Au premier pas franchi chez Sylvain «Elvis» Lavoie il se tient droit et fier, impatient de parler de son art. Dans son Musée Elvis de Pohénégamook où une chaleur enveloppante entoure le corps, l’odeur du bois perce les narines. Le feu de cheminée crépite un peu plus loin, mais surtout, l’ébéniste et sculpteur au sourire contagieux est prêt à faire découvrir son travail, son métier qui l’emballe depuis sa jeunesse, à n’importe quel curieux, à la manière d’une visite guidée.
Au premier coup d’œil, à la gauche de l’entrée, un bar s’impose décoré à l’effigie de Ponik, montrant l’appartenance de l’artisan pour son coin de pays. À la droite, une table à sculpter est mise en lumière. Au milieu de la pièce, trois imposantes colonnes se tiennent droites, mémoires d’un arbre d’une espèce rare jadis trouvé par son père Cyrille.
«Broussin c’est son nom scientifique. L’arbre est une épinette blanche dont le système cellulaire a été attaqué à la naissance par des parasites», explique-t-il. C’est ce qui a causé les excroissances visibles partout sur le tronc et les branches. Il a l’intention, plus tard, de créer un chalet en bois rond en réutilisant les colonnes, les branches, puis de créer une table vitrée avec la magnifique souche de l’arbre. Sylvain Lavoie le considère comme son arbre magique qui lui rappelle tous les jours son père.
L’INFLUENCE DE SON PATERNEL
Le père de l’artisan, Cyrille Lavoie, vendait du bois à des sculpteurs dans les années 1970 et presque jusqu’à son décès en 2020. D’après son fils, il était un maitre charpentier-menuisier et ébéniste. Par son travail, il a connu, notamment, Gil Bourgault fils de Jean-Julien Bourgault sculpteur mondialement reconnu.
«Mon père était tout le temps avant-gardiste, il savait. Il faut croire qu’il croyait en moi, il a toujours cru en moi», souffle Sylvain dit Elvis. Cyrille Lavoie a donc demandé, un jour, à Gil Bourgault si cela lui dérangeait de montrer à son garçon comment sculpter le bois. Ce n’est que vers l’âge de 30 ans qu’il s’est réellement mis à sculpter. Même s’il a commencé assez tard, il ne regrette rien. «Moi, ça m’avait tout le temps fasciné, je n’avais jamais sculpté de ma vie. Je voyais les sculptures et ça me rentrait dans la tête», confie l’artisan. Il a appris en regardant Bourgault travailler durant quatre jours et demi. Il raconte qu’au bout de deux ou trois heures, il savait presque sculpter.
Il a aussi travaillé avec Rémi Bourgoin de Saint-André-de-Kamouraska, un ébéniste établi dans la région. Il atteste qu’il était un grand tourneur de bois et que sa fille, Josée Bourgoin a hérité des talents de son père.
Sylvain Lavoie dit Elvis ne cache pas qu’au début, ça a été difficile : «J’ai été sans salaire pendant un mois, deux mois». Il en a arraché et s’est beaucoup privé, mais son père l’a toujours encouragé et aidé. Souvent, ce dernier lui fournissait le bois nécessaire à la réalisation de ses sculptures, et M. Lavoie le remboursait par la suite. De plus, son père lui a prêté, puis légué son atelier. Sans ça, l’artiste estime qu’il aurait fait un autre métier : «Ce n’est pas trop dur de le faire, mais de vivre de ça.»
Malgré des débuts difficiles. Il a persévéré au point où il n’arrive plus à se remémorer tous les endroits où ses œuvres sont. Il aime créer, il fait de tout : des escaliers, des moulures, des banquettes, des patères, des tables, des foyers, des ilots de cuisine, des bases de lits, des buffets, des armoiries, etc. Certaines de ses œuvres peuvent notamment être vues à l’Intercolonial et à le Loft à Rivière-du-Loup.
UN ATTRAIT QUI PASSE INAPERÇU
Bien que le musée ait ouvert ses portes en 2018, il demeure peu connu même les gens du Témiscouata, se désole Sylvain «Elvis» Lavoie. Il a eu la volonté d’ouvrir sa porte aux gens pour montrer son travail et expliquer sa façon de procéder. L’intérieur en entier a été fait à la main et travaillé avec coeur. Le processus lui a pris deux ans.
Le nom «musée» est utilisé «pour faire drôle» dit le sculpteur en ricanant. Il voulait créer un endroit chaleureux qui réunirait les gens entre eux. Lorsque des personnes se pointent pour contempler son travail, M. Lavoie confie qu’ils sont impressionnés de constater les heures voire les années de travail mises dans son musée.
Sylvain Lavoie est heureux de pouvoir vivre de sa passion : «Fais autre chose si tu n’aimes pas ton métier. Il n’y a pas d’âge pour changer. La vie est belle, tu ne peux pas être malheureux. On passe juste une fois dans la vie, chaque minute est importante.» L’homme de 57 ans espère que même après lui, son musée restera vivant longtemps, puis que son père, de là-haut, soit fier de lui.
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