Le déboisement de la colère
La grogne fait rage chez plusieurs résidents de la rue Agnès-Giguère à Rivière-du-Loup à la suite du déboisement d’un secteur qui accueillera la phase 6 du développement immobilier de Place Le Plateau dans le parc Cartier. Ces citoyens interpellent donc les élus municipaux afin qu’ils modifient le règlement relatif à la coupe d’arbres, jugé trop permissif.
Par un matin d’hiver 2016, le bruit caractéristique d’équipements lourds déchire la quiétude des résidents de la rue Agnès-Giguère. Des arbres tombent, la colère monte. La réaction rapide d’une résidente, Pascale Gaudette, permettra de conserver une mince zone tampon. Mais pour le sud du secteur, c’en est décidé, il est déjà trop tard.
«Il y avait ici une faune et une flore, une diversité exceptionnelle, des renards et même, on apercevait à l’occasion des traces de chevreuils. Maintenant, il n’y a plus rien, les arbres ont été coupés, c’est la désolation. Il n’y a même plus d’oiseau», laisse tomber la résidente.
Elle l’avait pourtant vue venir, cette déforestation. En mars 2016, Info Dimanche avait publié une lettre illustrant les craintes de Mme Gaudette concernant ce déboisement. Entourée de ses voisins, France Bureau, Myriam Desjardins, Daniel Blanchette, Patrick Lefebvre et d’un ami, François Poulin, elle demande aujourd’hui à la ville de revoir sa politique de développement en milieu boisé afin d’imposer des limites précises dans le but de préserver un maximum d’arbres matures.
«Il y a moyen de développer tout en conservant les plus beaux arbres. S’ils le font dans une ville comme Longueuil, on peut le faire ici. Ça prend juste de la volonté. Un quartier sans arbres, comme ici, c’est désolant», lance l’un des voisins.
VILLE
Le samedi 17 février au petit matin, la mairesse de Rivière-du-Loup a bravé le froid pour rencontrer ces résidents réunis dans le rondpoint de la rue. «Il y a des plans qui ont été soumis à la ville, des plans qui doivent être respectés, c’est ce que nous allons valider. Mais il faut tenir compte de la densité des bâtiments à être construits et qui fait en sorte qu’il est difficile de conserver des arbres», a souligné Sylvie Vignet.
Même son de cloche du côté de l’urbanisme avec la directrice Myriam Marquis. «Il y a eu une évaluation approfondie et dans les très grandes lignes, le promoteur avec qui nous avons une excellente collaboration a respecté ce qui était prévu. Le secteur est appelé à augmenter en intensité avec l’ajout d’aqueduc et d’égout pour desservir les bâtiments unifamiliaux, qu’ils soient isolés ou unifiés.»
Cette dernière précise que l’hiver est plus propice aux travaux de déboisement et que le terrain inégal, voire raboteux, doit être aplani. Toutefois, Mme Marquis admet que le promoteur a procédé plus rapidement que prévu sans que les résidents n’en aient été prévenus, causant surprise et colère.
Quant à la rue Stanislas-Belle, où de nombreux arbres ont été conservés, la directrice de l’urbanisme rappelle que c’était une question de densité. «L’intensité étant moindre, il était plus facile de conserver les terrains. Dans le présent cas, le promoteur est confronté à des pentes, des escarpements, des terrains sont montés et juqués.»
LE DÉVELOPPEMENT
Pour la phase de développement actuel, qui ne comprend que la partie à l’est du futur corridor vert, il est prévu : 33 unifamiliales isolées, 32 unifamiliales jumelées, 32 unifamiliales en rangée, 20 multifamiliaux de 4 logements et 4 multifamiliaux de 12 logements avec un rez-de-chaussée commercial de quartier.
Au total, il est donc question de 225 unités de logement couvrant environ 132 185 m2. Le nom des rues autres que le prolongement de Stanislas-Belle et Alice-Savard n’est pas encore déterminé.
PROMOTEUR
Le promoteur de Place Le Plateau, le président d’Excavations Bourgoin & Dickner, Stéphane Dickner, dit comprendre les résidents. «Ils avaient un boisé, ils y faisaient de la raquette, mais à la base, c’est mon terrain, c’est privé et c’est chez moi. On a gardé tout ce qu’on a pu, je les comprends, ça change le visuel, mais avec la densification du développement, c’était impossible d’en garder plus.»
Ce dernier rappelle qu’il a acquis le terrain au bout de la rue Agnès-Giguère, secteur ouest, et qu’aucune construction n’y verra le jour puisqu’il en fera un parc. «Il y aura aussi un sentier qui permettra de relier la rue Hélène au parc des Chutes», souligne M. Dickner.
Rappelons que si la Ville encadre la coupe d’arbres, c’est aussi elle qui fixe les normes de densification. «Je ne pouvais pas faire comme sur Stanislas-Belle [où de nombreux arbres ont été conservés], les paramètres de densification ne sont pas les mêmes pour cette phase de développement.»
ARBRES
Les normes relatives aux arbres et à la coupe d’arbres, du règlement de zonage numéro 1253, au chapitre 7 ont été mises à jour en juillet 2010. C’est ce chapitre que des résidents de la rue Agnès-Giguère demandent de réviser. Actuellement, l’abattage d’arbres dont le diamètre est égal ou supérieur à 10 centimètres (et mesuré à 50 centimètres de hauteur) nécessite l’obtention d’un permis, y compris lorsqu’ils constituent un obstacle à la construction ou à la réalisation d’un aménagement s’il n’existe pas de solution alternative à l’abattage.
Selon les résidents, ces solutions alternatives ne sont pas mises de l’avant. «La Ville veut maximiser l’espace, quitte à tout raser, tant pis si c’est chaud l’été et si c’est laid», observe François Poulin.
Malgré leur déception, les résidents rencontrés ont tenu à préciser qu’ils ne sont pas opposés au développement, mais qu’ils sont en faveur d’un meilleur contrôle de la Ville sur la coupe d’arbres et d’une meilleure communication entre les promoteurs et les citoyens, d’espaces verts avec des arbres matures, contrairement au parc du Campus-et-de-la-Cité, bref, d’un développement en harmonie avec la nature.
De son côté, Pascale Gaudette n’entend pas baisser les bras, même s’il est maintenant minuit et une. Son combat est de conscientiser les citoyens sur l’impact du déboisement sur leur propre qualité de vie ainsi que sur l’environnement.
«Ça fait joli pour un élu de souligner dans son bilan que sous son règne il a développé des rues et que de nombreuses maisons ont été construites, mais si c’est au détriment de la qualité de vie des citoyens, à quoi bon!», conclu Mme Gaudette.
13 commentaires
le développement où ils résident était un boisés auparavant. Pourquoi eux ont-ils pu s'établir dans un développement qui était un boisé et le refuser aux autres?
Je ne croient pas qu'ils veulent empêcher tout développement, ils proposent seulement de garder plus d'arbre. Êtes vous tombés sur la tête ceux comme «Réaliste»?? ces gens là ne parlent pas de garder une fôret mais quelques arbres matures. As-tu été voir développement Royal Sud comme c'est triste et laid ? Quelques gros arbres et c'est pas le même cachet. Tsé quand c'est le monde qui habite qui le disent !!
Non je ne suis pas tombé sur la tête. Ce que je dis c'est que ces gens veulent modifier un projet de développement après que ce projet fut entériné. Ce que je dis c'est que ces gens ce sont établis sur des terrains qui furent jadis boisés donc ils ont probablement payés moins pour leur terrain et ont pu replanter des arbres. Alors pourquoi demander au promoteur de modifier sont projet quand eux en ont bénéficié.
Ils ont eu des années d'utilisation gratuite de ce boisé privé ils devraient simplement être reconnaissant que M. Dickner ait autorisé ces gens à aller sur son boisé privé.