Le Dr Joan Banet craint pour les services de santé au Témiscouata
Témiscouata-sur-le-Lac – Dans deux lettres adressées au député-ministre Jean D’Amour, le Dr Joan Banet, de Témiscouata-sur-le-Lac, déplore l’attitude du gouvernement libéral et en particulier de son ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette.
« La démocratie version Couillard et Barrette a parlé le 6 février 2015 avec l’adoption de la Loi 10 sous bâillon », commente le Dr Banet. Il pense que ce projet de loi accorde trop de pouvoir au ministre lui-même. « Au-delà de la suppression des agences de la santé, la Loi 10 telle que votée donne les pleins pouvoir à M. Barrette et le laisse seul maître aux commandes du plus important ministère provincial. Cette centralisation du pouvoir extrêmement dangereuse est catastrophique pour notre région et nos MRC défavorisées. »
Le Dr Joan Banet est médecin de famille depuis 5 ans. Il travaille au CSSS de Témiscouata qui regroupe 30 médecins de famille, 11 spécialistes (5 à plein temps), 3 pharmaciens et 1 dentiste pour une population de 21 000 habitants.
PROJET DE LOI 10
La Loi 10 du ministre Barrette propose l’abolition des Agences régionales de la santé ainsi que l’abolition des établissements locaux de santé (CSSS) afin de créer une superstructure nommée CISSS (Centre intégré de santé et de services sociaux). Ce méga établissement sera situé à Rimouski et la totalité des membres du conseil d’administration du futur CISSS sera nommée par le ministre.
« Le pouvoir des membres du comité des usagers (les patients) sera abaissé de 50%, les membres de la Fondation de la santé n’auront plus qu’un droit de siège (observateur sans droit de vote), et aucun médecin de famille ne sera nommé sur le conseil d’administration par le ministre », a mentionné le Dr Banet.
« L’état de santé de la population témiscouataine ne peut pas être décrété à 120 km de distance (Rimouski), encore moins à 235 km (Québec), mais doit être analysé selon les contraintes locales afin de répondre au mieux aux besoins de services in situ. Par ailleurs, hormis les départs à la retraite non remplacés, aucune économie en termes de personnel ou de paperasserie ne sera effective, puisque tout le personnel des anciennes Agences de santé sera relocalisé. Le pouvoir décisionnel sera simplement délocalisé à Québec », a ajouté le médecin de famille.
Selon lui, l’hypercentralisation ne garantit en rien l’amélioration de la qualité des soins aux patients et ne motive pas les gestionnaires et professionnels à s’investir dans les antennes sanitaires régionales comme au Témiscouata.
MÉDECINE FAMILIALE
« Si l’on se fie aux demandes du ministre Barrette en ce qui concerne la médecine familiale au Témiscouata (21 000 habitants), près de 50% des médecins de famille actuellement en poste devront quitter le Témiscouata afin de remplir les objectifs du ministère (1000 patients par médecin de famille). Ce chiffre de 1000 est arbitraire, bêtement arithmétique, dénué d’analyse épidémiologique basée sur des preuves et ne permettra pas la viabilité de notre établissement au Témiscouata. L’hôpital de Notre-Dame-du-Lac risque tout simplement de disparaitre, et les patients seront amenés à consulter à 60 km de chez eux pour des services de base en santé. La contrainte imposée aux médecins de famille du Témiscouata est incompatible avec la viabilité de l’hôpital de Notre-Dame-du-Lac », soutient le Dr Banet.
Il a précisé que les spécialistes font au quotidien un travail extraordinaire et que 100% des médecins à l’urgence sont médecins de famille, 100% des médecins en obstétrique sont médecins de famille, 80% des cas hospitalisés ou en soins intensifs sont soignés par les médecins de famille. Selon lui, l’imposition aux médecins de famille d’un quota de patients est incompatible avec une médecine à hauteur humaine et va à l’encontre de l’indépendance professionnelle du soignant. Le Dr Joan Banet considère qu’un autre projet de loi, Loi 20, est une attaque de front à la médecine familiale.
JEUNES FEMMES MÉDECINS
Outre la médecine familiale, le projet de loi 20 pourrait également toucher plus particulièrement les jeunes femmes médecins.
« Une jeune femme médecin devrait-elle renoncer à une maternité à la fin de ses études sous prétexte qu’elle a une dette morale envers l’État québécois qui lui a payé ses études? Les étudiantes en médecine devraient-elles se questionner quant à leur orientation de carrière sous prétexte qu’un ministre a décidé que la profession médicale était un sacerdoce qui interdit toute émancipation individuelle en fondant une famille? », a questionné le Dr Banet.
POLITIQUE D’INFERTILITÉ
Le Dr Joan Banet a poursuivi son intervention auprès du député-ministre Jean D’Amour en abordant la politique d’infertilité.
« Enfin, je trouve stupéfiant le revirement d’attitude du gouvernement du Québec en ce qui concerne la politique d’infertilité au Québec. Non seulement les femmes doivent subir l’opprobre dans un projet de loi fourre-tout nommé 20 qui concilie refonte de la profession médicale familiale et démantèlement de la politique sur l’infertilité revendiquée 24 mois auparavant par la même population, mais elles subissent en plus l’amertume de promesses qui, sous prétexte d’austérité, sont dénigrées sur la place publique. (…) Les femmes vivant une problématique d’infertilité ne sont pas des voleuses et n’ont pas à subir ce lynchage en public, même si la situation économique au pays demande à tous de réévaluer des programmes onéreux ! »
« Je suis ouvert à la discussion et aux compromis. Je suis naturellement réfractaire à une médecine de rendement, de comptable, qui placerait nos patients devant un dilemme économique : puis-je bénéficier, en cette année 2015, de services médicaux de qualité et de proximité? », a conclu le Dr Joan Banet.
11 commentaires
Quand au processus de désorganisation systématique des régions: sachez une chose Monsieur Barrette: dans les régions du Québec, il n'y vit pas que des arbres à soigner contre la tordeuse du bourgeon de l'épinette. Y vivent aussi quantité d'êtres humains de qualité qui sont eux aussi l'avenir du Québec. Nous nous apprêtons à corriger un déficit budgétaire par une désastreuse faillite sur le plan humain. Souvenez-vous-en M. Barrette, car la population des régions ne l'oubliera pas, elle, en 2018...mais le mal sera fait.